Showing posts with label données. Show all posts
Showing posts with label données. Show all posts

Wednesday, March 22, 2017

Pêcheurs malgaches à bout de souffle : la modélisation participative trois-D confirme les acquis et ouvre les horizons

Interview avec Tsiza Ernest, président de l’association des pêcheurs à Sahoragna, Madagascar

Tsiza Ernest, Président de l'Association des pêcheurs, dénommée « La Baleine » composée d'une dizaine de membres, est un pêcheur sexagénaire du littoral-Est de la Grande île du quartier du Sahoragna, de la Commune de Fenerive Est à 500 km de la capitale. Son association est minée par des problèmes qui gangrènent leur métier. Le processus de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) est arrivé à point nommé leur apportant de nouvelles perspectives tout en consolidant leurs acquis.

Qu'est ce qui vous amène à dire que la MP3D est arrivé à temps?

Tsiza Ernest : Effectivement, l'apprentissage de la MP3D était venu comme une bouffée d'oxygène pour la filière, pour l'association et pour ma famille en particulier. Nos problèmes ne datent pas d'aujourd'hui, mais je dois dire que nous avons frôlé la limite de l'acceptable. Comment voulez-vous que j'arrête mes activités au printemps de ma carrière ? Je n'ai plus le choix. Si auparavant, la pêche a nourri convenablement son homme, aujourd'hui faute de productions, nous devons diversifier nos sources de revenus et pratiquer d'autres activités pour joindre les deux bouts. Heureusement au début de l'année 2016, lorsque nous avons participé aux activités d'apprentissage du processus de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) avec l'accompagnement du BIMTT (Bureau de Liaison des Institutions de Formation en milieu Rural à Madagascar) soutenu par le CTA, l'espoir renaît progressivement. Tous les participants s'accordent à dire que nous pouvons faire quelque chose, recoller les morceaux pour éradiquer le mal qui entrave les activités de la pêche. Le processus de la MP3D nous a mis au même pied d'égalité dans la compréhension de la situation. Elle nous a donné une opportunité pour réfléchir ensemble autour de la maquette, échanger les idées et prendre les dispositions adéquates. La participation de tous les représentants des acteurs de la pêche a facilité l'exercice : les pêcheurs, la mairie, la Direction Régionale de la Pêche (DRP), la communauté religieuse Saint Benoît, les autorités traditionnelles...Tous les pêcheurs occupant le large de 30 km du littoral Est ont été représentés. Tout le monde était là.


Quels sont les problèmes rencontrés et les solutions préconisées ?

Tsiza Ernest : La surexploitation résultant d'une pêche illicite. Ces dix dernières années, nos produits de pêche ont chuté considérablement. Aujourd'hui, il nous faut aller de plus en plus loin pour espérer pêcher davantage. Chacun fait ce que bon lui semble. La fermeture de la pêche n'est pas réglementée, la taille minimale de capture ni la capture maximale n'est pas limitée, les matériels utilisés ne respectent aucune norme, les zones d'exploitation ne sont pas délimitées. Bref : Péril en la demeure. En effet, il n'est pas rare de trouver des inconnus, ou mêmes des exploitants chinois qui débarquent avec leurs canots motorisés raflant tout sur leur passage, des individus qui illuminent avec des feux de projecteur les endroits sensibles, tels que zones de ponte ou grandes habitations des crustacés. Les conséquences en sont graves, tel qu'un feu de brousse, puisqu'ils délogent ainsi les occupants de leurs habitats pour mieux les chasser par la suite. C'est tout simplement une manière de voler nos ressources ! D'autres usent des moustiquaires au lieu et place des filets. Aussi ramasse-t-il tout jusqu'aux œufs. Tout cela est au vu et au su des autorités qui ne font rien. Au niveau de l'association, nous avons bénéficié des formations en pêche maritime responsable, nous avons adopté une convention qui nous oblige à respecter le métier. C'est à dire : utiliser des filets conventionnels, abandonner les poissons de petite taille, observer les périodes de ponte...Mais les autres s'en foutent, c'est comme si nous, les légalistes, qui sommes les imbéciles. Dès fois, nous attrapons certains d'entre eux en flagrant délit, mais nous n'y pouvons rien faire. Nous n'avons pas le pouvoir de les arrêter, ni même de les inquiéter. A mon avis, il manque pour l'heure une coordination dans les actions de lutte contre la pêche illicite à Madagascar en général et dans notre circonscription en particulier.

Que peut-il apporter le processus de la MP3D devant cette situation dégradante ?

Tsiza Ernest : Que chacun prenne sa part de responsabilité. De l'instance ministérielle, jusqu'aux petits pêcheurs en passant par la direction régionale de la pêche et la Mairie. Des plaidoyers ont été faits à maintes reprises auprès des autorités compétentes. La loi en vigueur, condamnant la pêche illégale, existe mais reste lettre morte. Les gouvernants ont du mal à rassembler le monde de la pêche autour d'une table. C'est justement, l'opportunité donnée par le processus 3D car elle dispose de ce pouvoir magistral : celui de réunir tous les protagonistes, au même moment, au même endroit, autour de la maquette. Chacun, expose leur préoccupation, formule leur défense, émet leurs idées. C'est tout simplement la carte sur table, le cas de le dire. C'est ainsi que l'idée d'élaborer un « Dina » ou convention interne a été discutée avec le consentement de la mairie et de la Direction Régionale de la Pêche représentés lors de l'apprentissage. Le Dina est une convention établie par les acteurs locaux de la pêche au niveau de la Commune et de la District. Cette convention devait déboucher sur la délimitation de l'espace marine locale ou le quadrillage, l'organisation et la discipline interne, la fermeture de la pêche, la normalisation des matériels et au bout les sanctions. Outre le Dina, l'idée d'immatriculer les pirogues et d'éditer des cartes de pêcheurs a surgi également pendant l'exercice afin d'identifier le vrai de l'ivraie. La Mairie et la DRP ont prévu organiser conjointement un atelier de travail et de validation de tout ce que nous a révélé l'exercice du processus MP3D. Par ailleurs, la mise à jour de la maquette a été fortement recommandée par les acteurs afin d'améliorer le Dina, au fur et à mesure en fonction des réalités existantes mais aussi de l'évolution du climat. Après la validation des textes réglementaires, par le biais du Dina, la Mairie et la DRP entendent également créer une plate forme de tous les acteurs dans la filière pêche dans notre circonscription. Cette structure sera le garant d'une coordination effective des activités de la pêche dans le secteur.

Quel profit pour vous et vos entourages ?

Tsiza Ernest : Pour moi personnellement, cela a tout d'abord confirmé la consistance de mes acquis et de mes vielles connaissances. J'ai été formé sur le tas. Nous avons des compréhensions, notamment sur la structure du corail, les récifs, l'emplacement des zones de ponte des langoustes et des crevettes, l'identification des zones dangereuses, des fonds sableux etc. Ce qui m'a émerveillé c'est que tout cela a été reproduit sur la maquette avec la collaboration active des ainés du village, des techniciens de la pêche et de la communauté entière. Nos connaissances ne nous ont pas trahi, tout cela s'est avéré juste et vrai : un recoupement, une confirmation de nos savoir-faire sur le métier. Maintenant, je suis fier de moi-même, que ce que j'avais fait depuis belle lurette tient débout sur des bases scientifiques ! Quoiqu'il en soit, mes connaissances ont également montré ses limites ? Il me manquait la précision. J'avais une idée approximative sur l'existence de mangroves dans un endroit déterminé, de zones de ponte, mais je ne connais pas le détail. Ni la dimension, ni la profondeur ni la superficie...C'est là l'intérêt de la carte en 3D. Les informations sont toutes affichées sur la maquette : distance, profondeur, dimension, température, datation. Par ailleurs, les expériences de l'exercice MP3D me donnent des idées de tout ce que je peux faire dans le futur. D'abord pour limiter le dégât, stabiliser la situation mais aussi planifier des projets. Ma famille a également profité de l'exercice MP3D. Elle devient un partenaire actif et se sent concernée par les enjeux de la pêche maritime. Ma femme, après avoir découvert la richesse de notre zone côtière, à travers les informations sur la maquette, m'a beaucoup aidé dans les initiatives de plaidoyers que notre association devait faire auprès des autorités communales. Les enfants en tant que fils de pêcheurs, ont maintenant acquis une bonne dose de connaissance sur l'environnement de la pêche dans notre localité. Je vois un transfert direct, facile et rapide de connaissances.



Quelles sont vos perspectives ?

Tsiza Ernest : Plus tard, lorsque tout sera en ordre, je peux lancer mes propres projets pour augmenter la production. Et d'attaquer l'exploitation des produits de haut de gamme, tels que langoustes, huitres, moules...Mais pour y parvenir, beaucoup de chose doit être établie au préalable : formation des exploitants, assainissement de la filière, disponibilité de moyens matériels, cohésion des pêcheurs. Il faut également mettre en œuvre une mesure d'accompagnement au développement des autres activités génératrices de revenus pendant la fermeture de la pêche.

Par ailleurs, nous souhaitons ériger carrément un parc au sein de notre délimitation. Ce sera une zone protégée, exploitée d'une manière responsable et rationnelle pour s'assurer de la durabilité de l'exploitation. Ce parc va servir de référence, une vitrine, pour tous nos voisins afin qu'ils aient une idée sur une pêche saine respectueuse de l'environnement. Dans cette perspective, il est clair que cela passe par une MP3D, une maquette spéciale « Parc » sur laquelle les informations et surtout les réglementations sont affichées. En outre, la mise en place d'une fédération des associations de pêcheurs s'avère importante. Le directeur régional de la pêche en a évoqué durant le processus de la MP3D. C'est d'une importance capitale dans la mesure où les pêcheurs puissent discuter et échanger leurs idées et à termes négocier directement avec les différents partenaires. Je vois la MP3D y jouer un rôle important en mettant à la même longueur d'onde tous les pêcheurs. Je souhaite enfin que les autres villages et Communes voisines disposent également de leurs propres maquettes. Cela évitera beaucoup de conflits et contribuera au développement de la filière, dans la mesure où tous les pêcheurs ont le même niveau d'informations et de connaissances.

Tuesday, May 17, 2016

Mieux comprendre la réglementation en matière de drones

Les autorités exigent que l’on réglemente les droneset que l’on supervise leur usage croissant, et ce pour des raisons de respect de la vie privée, de sûreté et de sécurité. Les opérateurs de drones devront en tenir compte.

Bien que l’utilité des drones, appelés dans le monde anglophone « véhicules aériens sans pilote (UAV) », pour la population civile ne soit plus à démontrer, cette nouvelle technologie éveille la méfiance. Des pilotes britanniques réclament par exemple que des recherches soient menées sur les conséquences éventuelles d’une collision d’un drone avec un avion de ligne, après les 23 accidents évités de justesse en 2015 dans l’espace aérien britannique. Enfin, la police hollandaise mène actuellement des expériences avec des aigles dressés pour capturer les drones indésirables.

Certaines personnes se méfient des drones car elles les associent à la technologie militaire létale. D’autres ont vu les récents bulletins d’information qui montraient l’utilisation irresponsable et indiscrète de drones par des civils. Ces incidents ont suscité l’inquiétude des gouvernements et citoyens du monde entier qui déplorent l’absence de réglementation dans le domaine.

Le débat sur la réglementation des drones agite également les pays en développement. Certains, comme l’Afrique du Sud, ont déjà validé une réglementation relative à l’utilisation par la population civile de cette technologie, tandis que d’autres tels que le Kenya en ont interdit l’usage en l’absence d’autorisation explicite des autorités. Pourtant, force est de constater que de nombreux pays en développement n’ont pris aucune disposition relative à l’utilisation civile de cette technologie.

Pourquoi des règles et normes sont-elles indispensables ?


L’existence de règles harmonisées, et plus particulièrement à destination des opérateurs de drones, est l’un des prérequis fondamentaux pour utiliser des petits drones dans l’espace aérien public. Ces règles doivent porter sur la sûreté et la formation, et faciliter la reconnaissance transfrontalière de la certification des aéronefs et pilotes. Cette réglementation doit de plus être assortie de dispositions appropriées en matière de protection de la vie privée, de protection des données, de responsabilité et d’assurance. La réglementation en matière de drones doit également faire état de normes applicables à l’usage privé comme à l’usage commercial. Elle doit couvrir des questions comme l’identification des types de petits drones et l’élaboration de technologies capables d’empêcher des pirates ou des tiers de prendre le contrôle des engins en vol. Différents éléments peuvent contribuer à réduire les risques auxquels les opérateurs sont exposés : des documents d’orientation clairs et précis, des procédures douanières, une réglementation simplifiée et des formulaires et produits d’information facilement accessibles en ligne.

L’exploitation commerciale de plus en plus fréquente des drones de petite taille demande des ajustements supplémentaires, plus spécifiques, tels que des limitations de responsabilité des tiers, l’introduction de catégories de poids pour les drones inférieurs à 500 kilogrammes, et des adaptations des niveaux de risque associés aux caractéristiques de vol des drones de très petite taille. Certaines des préoccupations qui entourent les drones ne datent pas d’aujourd’hui : la protection des droits fondamentaux de la population civile comme la confidentialité des images et des données étaient déjà une problématique liée à l’utilisation d’aéronefs et d’hélicoptères pilotés.

Les discussions internationales sur la réglementation en matière d’utilisation commerciale des drones ont été officiellement lancées en 2007 avec la création du Groupe d’étude sur les systèmes de véhicules aériens non habités (UASSG), au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Différents États membres et plusieurs organisations de gestion de l’aviation ont été impliqués. En 2011, la circulaire 328 a été publiée, suivie, en 2015, d’un manuel sur les systèmes de véhicules aériens non habités et de propositions d’amendements aux législations nationales relatives à l’aviation civile.

Les efforts de coordination actuels de l’OACI sur la scène internationale se concentrent presque exclusivement sur les gros aéronefs téléguidés utilisés pour des missions transfrontalières, mais pas sur ceux de plus petite taille. Toutefois, une grande partie du matériel mis au point par le groupe d’étude pourra être utilisée pour élaborer des réglementations spécifiques à chaque pays et adaptées aux conditions régionales pour les drones inférieurs à 500 kilogrammes, et avec des opérations en visibilité directe.

L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a été chargée d’élaborer un cadre réglementaire, ainsi que des propositions concernant la réglementation en matière d’utilisation de drones à caractère civil et à faible risque.

Les réglementations en matière de drones dans les pays ACP


Les travaux de recherche menés par le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) ont récemment passé en revue l’état actuel des réglementations relatives aux drones dans le groupe des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Ces travaux ont livré plusieurs catégories de réponses distinctes par rapport à la problématique des drones. Pour élaborer leur réglementation, les États membres de l’OACI utilisent par exemple les normes, les pratiques et autre matériel d’orientation recommandés par l’organisation.

L’Afrique du Sud a mis en œuvre et appliqué un ensemble exhaustif de règles contraignantes régissant les drones. Elle figure à présent parmi le groupe restreint des États disposant d’une réglementation déjà en vigueur. D’autres pays, comme le Sénégal et le Kenya, ont banni l’usage à caractère civil des drones ou de tout autre système aéroporté spécifique (comme les caméras). Ces pays ont toutefois apporté des modifications à leur législation nationale relative à l’aviation en l’assortissant des dispositions juridiques liées aux drones. D’autres pays, comme le Tchad et le Gabon, ont laissé des commentaires lors de la mise à jour de leur législation relative à l’aviation, précisant que des normes internationales devaient encore être établies sur des points spécifiques tels que la certification, la délivrance de licences, et les types d’aéronefs. D’autres pays encore ont élaboré tout un éventail de formulaires, manuels et produits d’information. Certains se sont parfois contentés d’adopter la régulation en matière de drones d’un autre pays sans apporter aucun amendement officiel à leur législation nationale relative à l’aviation.

Dans les situations d’urgence, comme après le passage du cyclone sur Vanuatu, on a utilisé des drones à des fins de reconnaissance et d’évaluation des dommages sur les îles Éfaté et Tanna, en collaboration avec le gouvernement, mais en l’absence de cadre juridique et de règles spécifiques. La question n’est donc plus de savoir s’il convient d’intégrer les drones dans les formes d’aviation existantes mais bien de définir comment et quand il convient de le faire. Lorsque les règles ne sont pas claires, les petits opérateurs professionnels de drones œuvrant dans le domaine de l’agriculture ou de la gestion des ressources naturelles doivent faire appel à leur bon sens et faire preuve de diligence : ils doivent détenir un permis, disposer de la documentation et de l’immatriculation de l’aéronef et de l’instrument utilisé, et demander l’autorisation auprès des autorités locales.

Une nouvelle expertise en matière de drones


Pour que la technologie des drones à caractère civil puisse être mieux acceptée par l’opinion publique, il faut impérativement s’attaquer aux problèmes liés à la sûreté et à la confidentialité, et adopter une réglementation pertinente et harmonisée. Le rôle joué par l’OACI et le groupement JARUS est essentiel pour élaborer les normes appropriées et les pratiques recommandées. Les efforts de coordination au niveau régional pourraient stimuler l’harmonisation des règles, licences et certifications nationales entre pays voisins. Cette manière de faire pourrait contribuer à mieux diffuser les applications commerciales et faciliter la croissance des entreprises régionales ainsi que leur expertise technologique en la matière.

Les pays ACP souhaitant réglementer cette technologie sont invités à consulter les opérateurs professionnels et les utilisateurs de drones pour s’assurer que les cas d’utilisation ont bien été définis et que les autorisations sont en phase avec les activités concernées dans un pays donné.

À propos de l’auteur :

Cédric Jeanneret (cedricj@gmail.com) est géographe indépendant. Il se passionne pour la collecte et l’analyse d’informations géographiques pour cartographier et tirer des enseignements de la diffusion des innovations et de l’adoption des technologies dans les systèmes socioécologiques.

Source: 

ICT Update #82

Liens connexes :



Suivez @UAV4Ag sur Twitter



Thursday, March 12, 2015

Données participatives

La modélisation participative en trois dimensions est un outil communautaire qui s'appuie sur le savoir autochtone local à des fins multiples, comme la planification de l’utilisation des sols, la gestion de bassins hydrologiques, la prévention contre les catastrophes, la communication et la sensibilisation.

Contribution d’une femme à la production de données pour
le modèle  3D (Villages de Telecho et Oromia en Ethiopie, 2010)
La modélisation participative en 3D (MP3D) est un outil communautaire, qui peut tout aussi bien être défini comme un « processus », qui intègre des connaissances spatiales locales et des données sur l'élévation du terrain et la profondeur des mers pour générer un modèle physique. Les communautés locales participent à la modélisation du territoire dont dépendent leur subsistance et leurs pratiques culturelles. Les données générées par le processus de MP3D sont extrêmement variées, mais pour l'essentiel, elles sont pertinentes pour les détenteurs du savoir local (couverture des sols, utilisation des sols et infrastructure, etc.) et sont étroitement liées à la culture d'un peuple donné, à ses sites sacrés, à ses cimetières.

La MP3D est déjà utilisée dans de nombreuses situations : la revendication de la propriété d'un territoire, le transfert de connaissances intergénérationnel et la gestion des conflits. Elle a récemment pris son essor dans la région Pacifique, permettant à la population des petits pays insulaires, où la montée du niveau de la mer menace les moyens de subsistance de nombreuses personnes, à prendre des décisions informées pour une gestion optimale des risques et une adaptation au changement climatique. 

Origines de la MP3D

La MP3D a d'abord été utilisée à la fin des années 1980 en Thaïlande afin de montrer où le Département royal des forêts développait des plantations dans le cadre de la réhabilitation de bassins versants. Il s'agissait alors d'un outil de démonstration axé sur la conservation, et non d'un outil participatif. Madame Uraivan Tan-Kim-Yong, docteur en anthropologie à l'université de Chiang Mai, dirigeait alors un programme de recherche faisant participer des tribus vivant dans les montagnes. Elle invitait ses élèves à fabriquer de petites maquettes en polystyrène et à les apporter dans les villages pour discuter de la conservation des sols et des problèmes liés à l'érosion. 

Ces modèles ont démontré leur utilité et ont fini par attirer l'attention d'autres protagonistes qui ont commencé à développer et à déployer le processus de MP3D. Le Programme germano-thaï de développement des régions montagneuses (TG-HDP) (1981-1998), financé par l'Agence de coopération technique allemande, était l'un des premiers à adopter de cet outil [1]. Pour la première fois, les modèles 3D ont commencé à être utilisés dans les villages et de façon participative. Ils ont commencé à évoluer d'un outil de démonstration à un outil d'éducation, pour finalement devenir un outil de planification. En 1993, un atelier a eu lieu en Thaïlande, où ont assisté plusieurs ONG d'Asie du Sud-Est. Des organisations telles que l'Association philippine pour le développement interculturel (PAFID) et le Forum écologique des Visayas occidentales ont commencé à adopter la MP3D et à l'utiliser avec les populations autochtones. Les modèles les ont aidés à répondre à la demande de minorités tribales de générer un grand nombre de données prouvant leur occupation ancestrale des terres et de l'eau afin d'obtenir les droits coutumiers d'occupation et d'usage reconnus par le Gouvernement. Au fil des années, la MP3D a profité de la créativité des nombreux utilisateurs qui ont pris part au processus. 

Défis initiaux  

Toutes les nouvelles technologies se heurtent à des difficultés lors de leur mise en œuvre. Avec la MP3D, le premier défi est la disponibilité de modèles numériques d'élévation (MNE) suffisamment détaillés, à jour et précis.
De personnes âgées discutant des caractéristiques d’une carte sous
le regard et l’écoute attentifs de jeunes.  (Villages de Telecho et
Oromia en Ethiopie, 2010)
Par exemple, certains MNE ont été produits il y a plusieurs décennies. Or, si un modèle vierge est élaboré sur la base d'un modèle d'élévation obsolète, les dépositaires de savoir pourront signaler le changement de caractéristiques topographiques, comme l'érosion d'un littoral, la modification du cours d'une rivière ou la transformation d'une côte en raison d'un glissement de terrain. Une fois le problème du MNE résolu, les détenteurs du savoir local renseignent le modèle et y partagent et visualisent leurs connaissances spatiales. Les habitants s'amusent beaucoup à faire ce genre d'exercice, qui de surcroît est très gratifiant. 

Appliquer la MP3D pour cartographier des zones étendues, comme par exemple un pays entier, constitue un autre défi. La MP3D requiert une préparation et une logistique considérables. Par conséquent, l'outil est fréquemment déployé dans des points chauds ou des régions sensibles. Dans les petits états insulaires, c'est un outil utile pour cartographier les paysages terrestres et marins, et, à terme, de vastes régions voire un pays entier. 

Dans certains pays, l'utilisation de la MP3D a eu un impact indéniable sur la politique. Aux Philippines, le gouvernement a adopté le processus dans de nombreux de contextes allant de la résolution des conflits à l'attribution de la propriété foncière et maritime aux autochtones. En 2001, le ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles a signé une circulaire administrative recommandant l'utilisation de la MP3D dans la « planification des zones protégées et la gestion durable des ressources naturelle » [2]. À compter de novembre 2014, 165 modèles fournissant des données fondamentales pour le processus d'élaboration de politiques ont été réalisés dans les Philippines. Autre cas plus récent, le gouvernement du Samoa a adopté le processus dans le cadre de l'adaptation au changement climatique et de la gestion des risques axée sur la communauté. 

Au niveau international, la MP3D a été recommandée par le CTA, le PNUD, le FIDA, le FEM, l'UNESCO et plus récemment par l'UICN dans le cadre de la « promesse de Sydney » de 2014. 

Du support physique au support numérique  

Il est important de définir où les modèles 3D sont stockés, qui est responsable de leur conservation, de leur usage et de leur mise à jour. Un modèle est inutile s'il est enfermé dans une pièce inaccessible ou si on le place dans une vitrine et que l'on en fait une pièce de musée. Les modèles doivent faire partie de la vie de tous les jours. Ils servent à enseigner la géographie et l'histoire du territoire aux enfants. Cela est vrai pour les modèles physiques qui se trouvent généralement sous le contrôle direct des détenteurs du savoir. Leur représentation numérique, en revanche, suit une tout autre voie et ses dépositaires sont généralement différents. 

Une fois que les données passent du support physique au support numérique, il existe un risque de mauvaise utilisation ou de partage involontaire. Il est essentiel que les intermédiaires désignés comme les dépositaires des données soient une entité fiable et digne de confiance qui protégera ces données et répondra aux souhaits de la communauté lorsqu'il s'agira de les partager. La confiance et l'éthique jouent ici un rôle important. Les personnes qui effectuent des travaux de recherche extraient parfois des données et pourraient ignorer le fait que le processus de cartographie devrait d'abord et avant tout profiter aux détenteurs du savoir. Des individus sans scrupule pourraient entraîner d'autres personnes à partager les données afin de les exploiter. La MP3D suppose un niveau d'éthique élevé et une relation de confiance entre les différents acteurs, à savoir, les détenteurs du savoir et les intermédiaires/facilitateurs maîtrisant les technologies. 

En 2006, la communauté d'utilisateurs se consacrant à la pratique des SIG participatifs a mis au point une directive [3] sur l'éthique pratique destinée aux utilisateurs des SIGP, les facilitateurs, les intermédiaires technologiques et les chercheurs afin d'encourager l'adoption de bonnes pratiques. Elle a été publiée en 12 langues et régit le comportement des personnes impliquées dans les processus de génération, de traitement, de stockage et de partage des données en cartographie participative. Le code recommande que les détenteurs du savoir gardent le contrôle total tout au long du processus et que les données soient rassemblées, puis partagées avec leur consentement libre et éclairé. 

En majorité, les données de la MP3D ont été bien protégées. Toutefois, il est arrivé que des données entrées dans un modèle soient mal utilisées. En Asie du Sud-Est, on rapporte que des tombes situées sur un modèle 3D ont été pillées parce ces données n'avaient pas été retirées et avaient été laissées accessibles au public. Par conséquent, il est important de sensibiliser les gens sur les implications de la géolocalisation des données sensibles et leur diffusion au public. Ils peuvent alors décider ce qu'ils peuvent visualiser, ce qu'ils veulent abandonner ou effacer du modèle. 

Un des composants les plus importants du processus de MP3D est l'implication d'agences externes depuis le tout début. Cette implication peut sensibiliser les personnes extérieures à la profondeur, à la précision et à la pertinence des savoirs locaux. Elle peut également susciter un nouveau sentiment de respect pour les détenteurs du savoir local. 

Références   

[1] P3DM for Participatory Land Use Planning (PLUP) in Thailand, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[2] Participatory 3-Dimensional Modelling as a Strategy in Protected Area Planning and Sustainable Natural Resources Management.Memorandum, Department of Environment and Natural Resources, Republic of the Philippines, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[3] Rambaldi,G., Chambers, R., MCcall M. And Fox, J. (2006) Practical ethics for PGIS practitioners, facilitators, technology intermediaries and researchers, Participatory Learning and Action, 54, IIED (April) 106-113. 

Pour entrer en contact avec la communauté SIGP, vous pouvez vous inscrire à la liste électronique de discussion. C'est le meilleur moyen pour se tenir au courant de ce qui passe dans le domaine SIGP ainsi que pour poser des questions et partager des opinions. La liste global francophone compte environ un millier de membres. La liste propose également des rubriques pour l'échange en anglais, en français et en portugais. Pour s'inscrire et en savoir davantage, veuillez visiter le site http://www.ppgis.net