La technologie des drones procure aux agriculteurs un moyen économique de planifier l'infrastructure. Au Nigeria, elle a permis d'accélérer la planification, la conception et la construction des systèmes d'irrigation des rizières.
À mesure que le drone, appelés dans le monde anglophone « véhicules aériens sans pilote (UAV) », réapparaît au loin et perd de l'altitude pour se poser, Richard, le chauffeur de l'équipe de chercheurs qui s'est porté volontaire pour apporter son soutien à la mission, court plein d'enthousiasme vers l'avion sans pilote. « Bienvenue ! » s'écrie-t-il en exultant, à la fois en anglais et en haoussa, la langue parlée dans le nord du Nigeria.
L'équipe growmoreX de la société londonienne GMX Consultancy, gestionnaire d'un service applicatif agricole fondé sur les drones, était présente au Nigeria afin de réaliser une étude préalable au développement d'une exploitation rizicole irriguée de 3 000 hectares. L'exploitation occupera un terrain acquis via un bail à long terme signé avec l'administration publique locale chargée de l'irrigation. L'objectif du projet était d'étudier et de cartographier 7 500 hectares afin de préparer la planification et la construction de l'infrastructure d'irrigation des rizières.
Un aéronef piloté aurait coûté une fortune. La technologie des drones était une alternative bien moins coûteuse. Le site étudié dans le cadre du projet était une région à faible densité de population située environ à 75 kilomètres de la ville de New Bussa. Cette région se caractérise par un accès limité aux routes, à l'électricité, à l'eau potable ainsi qu'à d'autres équipements collectifs. La population y vit principalement de petites exploitations agricoles. Les habitants cultivent tous les ans au cours de la saison des pluies du sorgho, du riz et des haricots. Les tomates poussent pendant la saison sèche, grâce à l'irrigation par pompage.
Une fois tous les contrôles effectués, l'équipe a réglé le système de navigation du drone sur le mode « automatique ». L'hélice du drone s'est mise à tourner et celui-ci a pris son envol, sous les yeux émerveillés d'une foule qui s'était rassemblée pour observer le premier vol. La mission démarrait.
Bien qu'il ait effectué un bon décollage, le drone commença soudain à s'éloigner au lieu de débuter sa mission préprogrammée, probablement en raison de la direction du vent. L'équipe perdit la communication de télémétrie avec le drone et pensa que le drone s'était écrasé.
Mais soudain, la connexion radio avec le drone se rétablit et il entama sa mission de cartographie automatique. Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre l'altitude de 150 mètres, considérée comme optimale pour son travail d'étude. Une fois arrivé à cette altitude, il se mit à voler selon une trajectoire spécifique, prenant automatiquement des photos pendant son vol.
Le drone pouvait voler environ quatre heures par jour lorsque le soleil projetait le moins d'ombre possible. Dès lors, l'équipe put cartographier environ 1 000 hectares en une seule journée. Le processus est particulièrement rapide, surtout si l'on tient compte du terrain, des conditions de travail difficiles et des températures élevées. On estime qu'il aurait fallu une vingtaine de jours à un géomètre professionnel travaillant à pied pour couvrir la même surface.
Toutefois, faire appel à un drone nécessite de s'y prendre à l'avance. Les chercheurs se sont d'abord assurés qu'aucun règlement spécifique n'empêchait l'équipe d'utiliser ce type d’appareil. L'émir local, le chef du village, ainsi que les responsables d'un aéroport militaire situé à quelque 100 kilomètres du site étudié avaient été informés du projet. Les autorités locales avaient heureusement accueilli favorablement la nouvelle technologie. Une seule condition avait été imposée : l'émir avait insisté pour que son village soit survolé afin que sa population puisse observer le drone et les photos qu'il prendrait.
Le résultat fut inattendu. Pour la première fois, l'équipe a pu établir le nombre exact de maisons et d'habitations dans le village, permettant ainsi aux chercheurs d'effectuer une estimation bien plus précise de sa population. Cette information sera très utile, car l'équipe chargée de l'étude prévoit d'engager de la main-d'œuvre locale pour construire l'exploitation rizicole et la gérer.
En se fondant sur les informations limitées rassemblées à l'issue de visites précédentes du site, l'hypothèse était qu'il serait possible de disposer les rizières sous forme de vastes bassins rectangulaires. Il aurait fallu d'énormes machines de terrassement et du matériel agricole important pour construire et cultiver ces bassins. Les champs destinés à la culture du riz nécessitent une gestion prudente de l'eau car le niveau de l'eau influence la distribution des mauvaises herbes et des nutriments. Cela signifiait que tous les 100 mètres, 50 cm de terre devaient être éliminés en haut du champ afin de surélever sa partie inférieure au cours du processus de nivellement.
Toutefois, l'étude réalisée par le drone a infirmé cette hypothèse. Même s'il était vrai que certaines parties du site concerné étaient plates, la plus grande partie du terrain était vallonnée.
En raison du terrain en pente et de la finesse de la couche supérieure du sol, l'équipe de chercheurs a dû radicalement modifier son hypothèse et oublier la conception en vastes bassins rectangulaires pour opter pour de longs champs étroits qui suivraient les ondulations du terrain. Ce changement impliquait également une conception très différente du système d'irrigation.
L'eau est le facteur essentiel en matière d'autosuffisance rizicole en Afrique, où la culture du riz est principalement pluviale. Le manque d'infrastructures d'irrigation constitue un obstacle majeur à l'augmentation de la production rizicole sur le continent. La plupart des systèmes existants sont mal conçus, mal construits et mal entretenus.
Une bonne nouvelle : la technologie des drones peut accélérer la planification, la conception et la construction de l'infrastructure d'irrigation africaine. Comme ce projet l'a démontré, la technologie des drones pourrait offrir aux agriculteurs un moyen économique de planifier cette infrastructure.
Mais ce n'est pas tout. Après l'étape de planification, les drones pourraient être utiles aux exploitants en vue d'estimer avec plus de précision la quantité de fertilisants et de matériaux de plantation nécessaires pendant la période de végétation. Une fois les cultures plantées, des drones équipés de capteurs spéciaux peuvent surveiller leur croissance.
Avec l'aide des drones agricoles, l'Afrique peut se propulser directement à l'ère de l'agriculture de précision en pleine expansion, tout comme les entreprises africaines de mobilophonie ont court-circuité l'infrastructure traditionnelle des lignes fixes pour créer un système innovant de financement mobile.
Une sélection d'articles sont proposés sur le portail web du magazine : http://ictupdate.cta.int/fr, où vous pouvez vous abonner à la publication gratuitement.
À mesure que le drone, appelés dans le monde anglophone « véhicules aériens sans pilote (UAV) », réapparaît au loin et perd de l'altitude pour se poser, Richard, le chauffeur de l'équipe de chercheurs qui s'est porté volontaire pour apporter son soutien à la mission, court plein d'enthousiasme vers l'avion sans pilote. « Bienvenue ! » s'écrie-t-il en exultant, à la fois en anglais et en haoussa, la langue parlée dans le nord du Nigeria.
L'équipe growmoreX de la société londonienne GMX Consultancy, gestionnaire d'un service applicatif agricole fondé sur les drones, était présente au Nigeria afin de réaliser une étude préalable au développement d'une exploitation rizicole irriguée de 3 000 hectares. L'exploitation occupera un terrain acquis via un bail à long terme signé avec l'administration publique locale chargée de l'irrigation. L'objectif du projet était d'étudier et de cartographier 7 500 hectares afin de préparer la planification et la construction de l'infrastructure d'irrigation des rizières.
Un aéronef piloté aurait coûté une fortune. La technologie des drones était une alternative bien moins coûteuse. Le site étudié dans le cadre du projet était une région à faible densité de population située environ à 75 kilomètres de la ville de New Bussa. Cette région se caractérise par un accès limité aux routes, à l'électricité, à l'eau potable ainsi qu'à d'autres équipements collectifs. La population y vit principalement de petites exploitations agricoles. Les habitants cultivent tous les ans au cours de la saison des pluies du sorgho, du riz et des haricots. Les tomates poussent pendant la saison sèche, grâce à l'irrigation par pompage.
Le premier vol
Un drone à voilure fixe importé directement des États-Unis a été utilisé pour le premier vol. La journée d'assemblage a donné le temps à l'équipe de résoudre les petits problèmes techniques et de comprendre comment utiliser sa fonction de planification automatique de mission.Une fois tous les contrôles effectués, l'équipe a réglé le système de navigation du drone sur le mode « automatique ». L'hélice du drone s'est mise à tourner et celui-ci a pris son envol, sous les yeux émerveillés d'une foule qui s'était rassemblée pour observer le premier vol. La mission démarrait.
Bien qu'il ait effectué un bon décollage, le drone commença soudain à s'éloigner au lieu de débuter sa mission préprogrammée, probablement en raison de la direction du vent. L'équipe perdit la communication de télémétrie avec le drone et pensa que le drone s'était écrasé.
Mais soudain, la connexion radio avec le drone se rétablit et il entama sa mission de cartographie automatique. Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre l'altitude de 150 mètres, considérée comme optimale pour son travail d'étude. Une fois arrivé à cette altitude, il se mit à voler selon une trajectoire spécifique, prenant automatiquement des photos pendant son vol.
Une planification précoce
L'appareil photographique fut contrôlé dès l'arrivée du drone sur le sol. Les photos semblaient nettes et de bonne qualité. Il y en avait beaucoup : au cours du vol de 55 minutes, le drone avait pris des photos superposées de quelque 300 hectares.Le drone pouvait voler environ quatre heures par jour lorsque le soleil projetait le moins d'ombre possible. Dès lors, l'équipe put cartographier environ 1 000 hectares en une seule journée. Le processus est particulièrement rapide, surtout si l'on tient compte du terrain, des conditions de travail difficiles et des températures élevées. On estime qu'il aurait fallu une vingtaine de jours à un géomètre professionnel travaillant à pied pour couvrir la même surface.
Toutefois, faire appel à un drone nécessite de s'y prendre à l'avance. Les chercheurs se sont d'abord assurés qu'aucun règlement spécifique n'empêchait l'équipe d'utiliser ce type d’appareil. L'émir local, le chef du village, ainsi que les responsables d'un aéroport militaire situé à quelque 100 kilomètres du site étudié avaient été informés du projet. Les autorités locales avaient heureusement accueilli favorablement la nouvelle technologie. Une seule condition avait été imposée : l'émir avait insisté pour que son village soit survolé afin que sa population puisse observer le drone et les photos qu'il prendrait.
Le résultat fut inattendu. Pour la première fois, l'équipe a pu établir le nombre exact de maisons et d'habitations dans le village, permettant ainsi aux chercheurs d'effectuer une estimation bien plus précise de sa population. Cette information sera très utile, car l'équipe chargée de l'étude prévoit d'engager de la main-d'œuvre locale pour construire l'exploitation rizicole et la gérer.
Une hypothèse remise en cause
Aussi magnifique qu'ait été le survol du village, le principal objectif était la planification de l'infrastructure d'irrigation de la rizière. En se basant sur les premières études, les chercheurs devaient créer une carte à l'échelle 1:2 000 (1 centimètre de la carte représente 20 mètres). L'objectif de cette carte était que l'équipe prenne des décisions éclairées concernant la meilleure disposition des champs ainsi que des systèmes d'irrigation et de drainage.En se fondant sur les informations limitées rassemblées à l'issue de visites précédentes du site, l'hypothèse était qu'il serait possible de disposer les rizières sous forme de vastes bassins rectangulaires. Il aurait fallu d'énormes machines de terrassement et du matériel agricole important pour construire et cultiver ces bassins. Les champs destinés à la culture du riz nécessitent une gestion prudente de l'eau car le niveau de l'eau influence la distribution des mauvaises herbes et des nutriments. Cela signifiait que tous les 100 mètres, 50 cm de terre devaient être éliminés en haut du champ afin de surélever sa partie inférieure au cours du processus de nivellement.
Toutefois, l'étude réalisée par le drone a infirmé cette hypothèse. Même s'il était vrai que certaines parties du site concerné étaient plates, la plus grande partie du terrain était vallonnée.
En raison du terrain en pente et de la finesse de la couche supérieure du sol, l'équipe de chercheurs a dû radicalement modifier son hypothèse et oublier la conception en vastes bassins rectangulaires pour opter pour de longs champs étroits qui suivraient les ondulations du terrain. Ce changement impliquait également une conception très différente du système d'irrigation.
Éviter des frais inutiles
À l'aide des données obtenues grâce à la technologie des drones, les planificateurs agricoles peuvent maintenant éviter plus facilement la mauvaise planification de l'infrastructure. Cette information facilite également l'organisation d'un approvisionnement adéquat en termes de matériel, ce qui permet d'éviter les gros investissements de départ inutiles pouvant mener un projet à l'échec.L'eau est le facteur essentiel en matière d'autosuffisance rizicole en Afrique, où la culture du riz est principalement pluviale. Le manque d'infrastructures d'irrigation constitue un obstacle majeur à l'augmentation de la production rizicole sur le continent. La plupart des systèmes existants sont mal conçus, mal construits et mal entretenus.
Une bonne nouvelle : la technologie des drones peut accélérer la planification, la conception et la construction de l'infrastructure d'irrigation africaine. Comme ce projet l'a démontré, la technologie des drones pourrait offrir aux agriculteurs un moyen économique de planifier cette infrastructure.
Mais ce n'est pas tout. Après l'étape de planification, les drones pourraient être utiles aux exploitants en vue d'estimer avec plus de précision la quantité de fertilisants et de matériaux de plantation nécessaires pendant la période de végétation. Une fois les cultures plantées, des drones équipés de capteurs spéciaux peuvent surveiller leur croissance.
Avec l'aide des drones agricoles, l'Afrique peut se propulser directement à l'ère de l'agriculture de précision en pleine expansion, tout comme les entreprises africaines de mobilophonie ont court-circuité l'infrastructure traditionnelle des lignes fixes pour créer un système innovant de financement mobile.
À propos de l'auteur :
Quan Le (quan.le@gmx.com) est le directeur général de GMX Agri (www.gmxconsulting.co.uk), une entreprise de conseil, de développement et d'opération axée sur l'agriculture africaine.Source:
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