BAÏBOKOUM, TCHAD : Du 31 juillet au 11 août 2012, l’Association des Femmes Peules Autochtones du Tchad (AFPAT), en collaboration avec le Secrétariat du Comité de Coordination des Peuples Autochtones d'Afrique (IPACC, Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee), a dirigé une formation sur la modélisation tridimensionnelle participative dans la région de Baïbokoum, dans le Logone oriental, dans le sud du Tchad.
Dialogue à trois sur le changement climatique from CTA on Vimeo.
Le projet de cartographie tchadien mettait l’accent sur la formation d’éleveurs activistes de différentes parties du Tchad, ainsi que de pays voisins et d’Afrique de l’Est, pour les initier aux bases de la cartographie et leur apprendre comment mener un exercice de cartographie participative en 3D (CP3D) avec des peuples autochtones M’bororo nomades et semi-nomades dans la région de Baïbokoum.
La population rurale de Baïbokoum est confrontée à des défis liés à la concurrence pour les ressources similaires à ceux d’autres parties d’Afrique. Ils comprennent les changements dans l’utilisation de la terre, notamment l’empiètement par des exploitants sédentaires, la perte de la biodiversité résultant de la modification de l’utilisation de la terre, l’impact des industries extractives et les impacts du changement climatique. Tous ces facteurs contribuent à l’accroissement de la vulnérabilité des populations, à la dégradation des sols et de la biodiversité, à l’insécurité alimentaire et à des risques de conflit.
Le projet Baïbokoum s’inscrit dans le prolongement de l’atelier qui s’est déroulé en novembre 2011 à N’Djamena, au Tchad, où des éleveurs de l’AFPAT et du réseau IPACC ont rencontré l’Organisation météorologique mondiale, l’UNESCO, le CTA et les services météorologiques du Tchad, pour débattre de l’adaptation au climat et des risques encourus aujourd’hui par les communautés nomades en Afrique. L’atelier de N’Djamena a mené à la Déclaration de N’Djamena sur le savoir traditionnel et l’adaptation au climat présentée à la 17e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.
Les membres de la communauté nomade et semi-nomade des villages du district ont ensuite passé trois jours à coder la carte avec le savoir traditionnel autochtone, montrant l’utilisation des terres, l’itinéraire traditionnel de la migration du bétail, les caractéristiques de l’écosystème et les informations relatives à la biodiversité. Les stagiaires sont venus à Baïbokoum en provenance de cinq régions différentes du Tchad, ainsi que du Niger, du Cameroun, du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Le soutien technique et la formation ont été fournis par M. Barthelemy Boika du Réseau des Ressources Naturelles de la République Démocratique du Congo. Le Secrétariat de l’IPACC (Afrique du Sud) a également contribué à la formation et donné des conseils.
Les stagiaires ont réalisé des travaux pratiques avec des cartes provisoires, une formation aux compétences GPS, le choix d’une légende dans une langue locale (dans ce cas, le fufulde), et se sont initiés aux bases de la cartographie, de la mise à l’échelle et du géoréférencement. Ils ont passé quatre jours à élaborer une maquette 3D géoréférencée à échelle de Baïbokoum et de ses environs (24km x 20 km ; échelle 1:10 000).
La maquette en 3D qui en a résulté possédait quelques caractéristiques notables, dont l’accent mis par les éleveurs sur les différents types d’eau de surface – saisonnière, permanente, marécageuse et vive. Les éleveurs ont également pu identifier six espèces d’arbre protégées par la loi coutumière M’bororo. Ces six espèces d’arbre ont toutes des propriétés médicinales et une utilité dans l’écosystème et ne peuvent donc être ni coupées, ni endommagées. Elles servent également de repères lors des déplacements depuis des générations.
Les éleveurs se souciaient principalement de l’expansion des exploitants sédentaires qui ont bloqué les routes traditionnelles de transhumance le long desquelles le bétail pouvait accéder à l’eau potable. Les éleveurs accusaient les exploitants de brûler leurs champs, nuisant ainsi à la biodiversité, y compris des espèces d’arbres protégées depuis des temps immémoriaux. Les éleveurs ont remarqué que l’on creusait maintenant des puits de pétrole dans le territoire voisin, ainsi qu’un pipeline, mettant la pression sur eux des deux côtés. De brusque changements de temps et de climat, avec à la fois des sécheresses et des inondations, les ont rendus plus vulnérables et a renforcé le risque de conflit armé dans la région.
Plus de soixante membres de la communauté M’bororo ont participé à la cartographie, ainsi que les stagiaires, des villageois et des enfants scolarisés. Les dirigeants de la communauté se sentaient confiants et pensaient que la carte pouvait contribuer à résoudre les conflits naissants dans la communauté. L’événement a été clôturé officiellement le 10 août par Son Excellence le Gouverneur du Logone oriental, le Président de 5% Revenue from Oil Exploration, le Préfet et le Sous-préfet de Baïbokoum et des représentants de la Gendarmerie nationale et des Ministères de l’Élevage et de l’Agriculture et du Département en charge du changement climatique.
Le Gouverneur a immédiatement proposé de jouer le rôle de médiateur dans un processus de négociation entre les communautés sédentaires et nomades pour rouvrir les couloirs de transhumance afin que les éleveurs puissent de nouveau accéder à l’eau. Les participants ont indiqué que ces communautés pouvaient entretenir des relations de symbiose et de soutien. La résolution des conflits et l’adoption d’une approche préventive pour éliminer la concurrence vis-à-vis des ressources constituent un aspect fondamental de l’adaptation au climat et du développement des zones rurales.
La Coordinatrice de l’AFPAT, Hindou Oumarou Ibrahim, a salué le gouvernement et la communauté pour leur volonté d’explorer de nouvelles voies de coopération. Elle a souligné l’importance que les hommes et les femmes M’bororo accorde depuis des siècles à la conservation de la nature et a entamé des discussions avec le Président de 5% oil revenues pour examiner comment les éleveurs M’bororo pourraient être davantage impliqués dans la protection des espaces forestiers menacés dans les montagnes environnant Baïbokoum.
Le processus de cartographie, l’étude des questions conflictuelles et l’établissement de la paix ont été documentés par Jade Productions qui a réalisé un film qui sera diffusé pour la première fois à la 18e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques prévue à Doha, au Qatar. Les médias nationaux ont réalisé des reportages radiodiffusés tout au long de l'atelier puis une émission de télévision, à l'issue de l'événement protocolaire de clôture.
L’atelier a été organisé pendant le mois saint du Ramadan, ce qui a conféré une dimension supplémentaire car les enseignements et les valeurs religieuses peuvent également encourager les personnes à coopérer, même dans des circonstances où elles ne partagent pas la même langue. Pendant les deux semaines qu’a duré l’atelier, les éleveurs autochtones du Kenya, du Cameroun et du Niger se sont joints à leurs homologues tchadiens pour les prières et le jeûne.
L’événement a bénéficié de la générosité du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), avec un appui financier supplémentaire de Bread for the World, Norwegian Church Aid et Misereor. Des documents, photographies et vidéos peuvent être consultés sur www.ipacc.org.za/fr
Crédits pour le texte et les photos : Nigel Crawhall, IPACC
Dialogue à trois sur le changement climatique from CTA on Vimeo.
Le projet de cartographie tchadien mettait l’accent sur la formation d’éleveurs activistes de différentes parties du Tchad, ainsi que de pays voisins et d’Afrique de l’Est, pour les initier aux bases de la cartographie et leur apprendre comment mener un exercice de cartographie participative en 3D (CP3D) avec des peuples autochtones M’bororo nomades et semi-nomades dans la région de Baïbokoum.
La population rurale de Baïbokoum est confrontée à des défis liés à la concurrence pour les ressources similaires à ceux d’autres parties d’Afrique. Ils comprennent les changements dans l’utilisation de la terre, notamment l’empiètement par des exploitants sédentaires, la perte de la biodiversité résultant de la modification de l’utilisation de la terre, l’impact des industries extractives et les impacts du changement climatique. Tous ces facteurs contribuent à l’accroissement de la vulnérabilité des populations, à la dégradation des sols et de la biodiversité, à l’insécurité alimentaire et à des risques de conflit.
Le projet Baïbokoum s’inscrit dans le prolongement de l’atelier qui s’est déroulé en novembre 2011 à N’Djamena, au Tchad, où des éleveurs de l’AFPAT et du réseau IPACC ont rencontré l’Organisation météorologique mondiale, l’UNESCO, le CTA et les services météorologiques du Tchad, pour débattre de l’adaptation au climat et des risques encourus aujourd’hui par les communautés nomades en Afrique. L’atelier de N’Djamena a mené à la Déclaration de N’Djamena sur le savoir traditionnel et l’adaptation au climat présentée à la 17e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.
Les membres de la communauté nomade et semi-nomade des villages du district ont ensuite passé trois jours à coder la carte avec le savoir traditionnel autochtone, montrant l’utilisation des terres, l’itinéraire traditionnel de la migration du bétail, les caractéristiques de l’écosystème et les informations relatives à la biodiversité. Les stagiaires sont venus à Baïbokoum en provenance de cinq régions différentes du Tchad, ainsi que du Niger, du Cameroun, du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Le soutien technique et la formation ont été fournis par M. Barthelemy Boika du Réseau des Ressources Naturelles de la République Démocratique du Congo. Le Secrétariat de l’IPACC (Afrique du Sud) a également contribué à la formation et donné des conseils.
Les stagiaires ont réalisé des travaux pratiques avec des cartes provisoires, une formation aux compétences GPS, le choix d’une légende dans une langue locale (dans ce cas, le fufulde), et se sont initiés aux bases de la cartographie, de la mise à l’échelle et du géoréférencement. Ils ont passé quatre jours à élaborer une maquette 3D géoréférencée à échelle de Baïbokoum et de ses environs (24km x 20 km ; échelle 1:10 000).
La maquette en 3D qui en a résulté possédait quelques caractéristiques notables, dont l’accent mis par les éleveurs sur les différents types d’eau de surface – saisonnière, permanente, marécageuse et vive. Les éleveurs ont également pu identifier six espèces d’arbre protégées par la loi coutumière M’bororo. Ces six espèces d’arbre ont toutes des propriétés médicinales et une utilité dans l’écosystème et ne peuvent donc être ni coupées, ni endommagées. Elles servent également de repères lors des déplacements depuis des générations.
Les éleveurs se souciaient principalement de l’expansion des exploitants sédentaires qui ont bloqué les routes traditionnelles de transhumance le long desquelles le bétail pouvait accéder à l’eau potable. Les éleveurs accusaient les exploitants de brûler leurs champs, nuisant ainsi à la biodiversité, y compris des espèces d’arbres protégées depuis des temps immémoriaux. Les éleveurs ont remarqué que l’on creusait maintenant des puits de pétrole dans le territoire voisin, ainsi qu’un pipeline, mettant la pression sur eux des deux côtés. De brusque changements de temps et de climat, avec à la fois des sécheresses et des inondations, les ont rendus plus vulnérables et a renforcé le risque de conflit armé dans la région.
Plus de soixante membres de la communauté M’bororo ont participé à la cartographie, ainsi que les stagiaires, des villageois et des enfants scolarisés. Les dirigeants de la communauté se sentaient confiants et pensaient que la carte pouvait contribuer à résoudre les conflits naissants dans la communauté. L’événement a été clôturé officiellement le 10 août par Son Excellence le Gouverneur du Logone oriental, le Président de 5% Revenue from Oil Exploration, le Préfet et le Sous-préfet de Baïbokoum et des représentants de la Gendarmerie nationale et des Ministères de l’Élevage et de l’Agriculture et du Département en charge du changement climatique.
Le Gouverneur a immédiatement proposé de jouer le rôle de médiateur dans un processus de négociation entre les communautés sédentaires et nomades pour rouvrir les couloirs de transhumance afin que les éleveurs puissent de nouveau accéder à l’eau. Les participants ont indiqué que ces communautés pouvaient entretenir des relations de symbiose et de soutien. La résolution des conflits et l’adoption d’une approche préventive pour éliminer la concurrence vis-à-vis des ressources constituent un aspect fondamental de l’adaptation au climat et du développement des zones rurales.
La Coordinatrice de l’AFPAT, Hindou Oumarou Ibrahim, a salué le gouvernement et la communauté pour leur volonté d’explorer de nouvelles voies de coopération. Elle a souligné l’importance que les hommes et les femmes M’bororo accorde depuis des siècles à la conservation de la nature et a entamé des discussions avec le Président de 5% oil revenues pour examiner comment les éleveurs M’bororo pourraient être davantage impliqués dans la protection des espaces forestiers menacés dans les montagnes environnant Baïbokoum.
Le processus de cartographie, l’étude des questions conflictuelles et l’établissement de la paix ont été documentés par Jade Productions qui a réalisé un film qui sera diffusé pour la première fois à la 18e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques prévue à Doha, au Qatar. Les médias nationaux ont réalisé des reportages radiodiffusés tout au long de l'atelier puis une émission de télévision, à l'issue de l'événement protocolaire de clôture.
L’atelier a été organisé pendant le mois saint du Ramadan, ce qui a conféré une dimension supplémentaire car les enseignements et les valeurs religieuses peuvent également encourager les personnes à coopérer, même dans des circonstances où elles ne partagent pas la même langue. Pendant les deux semaines qu’a duré l’atelier, les éleveurs autochtones du Kenya, du Cameroun et du Niger se sont joints à leurs homologues tchadiens pour les prières et le jeûne.
L’événement a bénéficié de la générosité du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), avec un appui financier supplémentaire de Bread for the World, Norwegian Church Aid et Misereor. Des documents, photographies et vidéos peuvent être consultés sur www.ipacc.org.za/fr
Crédits pour le texte et les photos : Nigel Crawhall, IPACC
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