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Thursday, March 26, 2015

Reproduire le processus en République démocratique du Congo - La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première -

La narration des co-facilitateurs locaux publiée le 25 mars 2015 a été enrichie, le 19 mai 2015, avec la publication d'un article d'opinion écrit par un observateur venu de la République démocratique du Congo sous l'invitation du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Ecrit par Dominique Bikaba, Strong Roots Congo

La Modélisation participative en trois dimensions (MP3D) a déjà démontré, à travers plusieurs pays, un potentiel non négligeable quand il s’agit de mobiliser des communautés pour qu’elles planifient et gèrent de façon participative le territoire où elles habitent et les ressources naturelles qui les entourent. A Madagascar, le tout premier exercice de MP3D a eu lieu en février 2015, notamment dans le bassin versant d’Avaratrambolo.

L’exercice était conduit dans une zone rurale et agricole à plus ou moins 35 km de la capitale malgache, Antananarivo. La population de cette zone située dans la partie septentrionale de l’ile ne vit que de l’agriculture rizicole, avec un faible pouvoir d’achat et d’accès aux marchés. Le paysage rural est dominé par des terrasses de cultures rizicoles, certaines portions de plantations sylvicoles et un petit reliquat de forêt naturelle. La zone est aussi importante car elle constitue un bastion de sources des principales rivières de la région.

L’exercice de modélisation participative a eu lieu dans le cadre d’un projet de promotion agricole et de captage de l’eau potable intitulé « Allons vers une évolution », soit Ndao Hivoatra en langue malgache. Ce projet, qui a mobilisé plusieurs partenaires locaux, nationaux et internationaux dans cette partie de Madagascar, revêt une connotation particulière pour les communautés locales.

L’implémentation du projet de développement rural se déroule dans trois villages, avec le financement de la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique. L'exercice de MP3D représente une composante ponctuelle du projet, qui compte avec le soutien technique et financier du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Comme dans plusieurs zones en Afrique, les questions foncières sont très sensibles dans cette région. C’est ainsi qu’on explique que, en général, des communautés locales puissent être moins participatives aux multiples projets de développement rural dans le milieu. L’exercice MP3D au Madagascar a contribué sensiblement à briser les barrières liées aux sensibilités foncières de ce projet. Comme pour les projets précédents dans la zone, le projet Ndao hivoatra était sous-entendu par les communautés rurales comme une astuce de l’accaparement des terres ancestrales au profit de certaines multinationales qui se font passer pour promoteurs du développement rural dans des zones reculées en Afrique. Quand bien même, la question de la cartographie était comprise par les communautés bénéficiaires comme un moyen d’identifier les terres propices pour cette allégation d’accaparement, malgré les multiples séances de sensibilisations des facilitateurs locaux qui ont précédé l’exercice de MP3D dans le village d’Ambohitrakely.

La première phase de l’exercice prévoyait la construction de la maquette de MP3D. Cette étape était précédée par un atelier regroupant les facilitateurs locaux et internationaux venus de la République Démocratique du Congo (RDC), ainsi que les représentants des institutions impliquées dans le projet Ndao hivoatra pour donner l’ossature de l’exercice et pour identifier les préalables matériels, logistiques et de participation communautaire dans la zone du projet. C’est lors de cet atelier qu’une compréhension commune sur l’ampleur du projet de la maquette s’est dessinée.

La première visite des facilitateurs au village d’Ambohitrakely s’est déroulée sous une pluie torrentielle dans une zone érodée et moins praticable. Cette visite visait à mobiliser particulièrement les enfants écoliers pour contribuer aux travaux de traçage et de découpage des couches de la maquette, après avoir réuni au site tous les matériels requis. Le travail des enfants sur la maquette a suscité la bonne curiosité de leurs parents. Progressivement, les parents des enfants et beaucoup d’autres habitants des villages du bassin versant d’Avaratrambolo se sont mobilisés pour contribuer à la construction de la maquette. Madagascar MP3D

Le 13 février 2015, lors de son exposition officielle, la maquette a réuni dans le village d’Ambohitrakely des représentants de différents ministères en charge des affaires foncières et du développement rural, des chercheurs et des représentants des acteurs de développement intervenant dans la zone, les autorités locales, religieuses et coutumières, ainsi que toutes les couches sociales de la population qui initialement semblaient participer timidement au projet Ndao Hivoatra suite à sa sensibilité liée aux questions foncières. La maquette s’est avérée donc un élément réconciliateur avec le projet. La participation active des communautés locales du bassin versant dans la construction de la maquette et, particulièrement, dans la capture des données géo-spatiales de la zone, a notablement accru la confiance du chef des bénéficiaires. Il faut savoir que la maquette appartient aux communautés locales en tant qu’outil pour orienter les travaux du projet Ndao Hivoatra.

La maquette de MP3D se veut donc un outil puissant de planification, de gestion et d’aménagement foncier et forestier. Le succès de cet exercice à Madagascar a suscité l’utilité de l’étendre dans d’autres régions en Afrique. Par exemple, l’exercice pourrait être répliqué dans l’est de la RDC, où le processus de gouvernance et de gestion des forêts communautaires poursuit son parcours. Après la publication du Décret No 14/018 du 02 août 2014 fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales en RDC, celles-ci et les peuples autochtones qu’elles regroupent, nécessitent cet outil pour les zonages de leurs territoires ancestraux au profit des projets de conservation et de développement durable dans la région. La création et le fonctionnement des forêts communautaires, ainsi que la reconnaissance des Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire (APACs) en RDC est un processus qui requiert non seulement la passation d’une législation y afférente, mais aussi et surtout, d’un engagement déterminant des autres parties prenantes. Sans l’accompagnement de cette initiative par les autres acteurs techniques, scientifiques et financiers, la bonne volonté du gouvernement de la RDC pourra difficilement se réaliser.

Note de l'auteur : Le succès de cette modélisation participative en 3 dimensions revêt aussi les qualités et les compétences de l’expert en MP3D et facilitateur de cet exercice cartographie participative  à Madagascar, Barthelemy Boika, qui a démontré ses talents d’éducateur et de mobilisateur communautaire tout au long de l’exercice dans le bassin versant d’Avaratrambolo. Nos remerciements s’adressent également au Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) pour l’appui technique et financier à ce projet de MP3D à Madagascar.

Regardez l'entretien vidéo avec M. Dominique Bikaba, directeur de Strong Roots Congo. Le CTA invita Dominique à participer à l'exercice de façon à l'exposer à la pratique de MP3D et ainsi faciliter la reproduction de l'exercice dans le bassin du Congo.

Commentaires de Dominique Bikaba sur sa participation à un exercice de MP3D à Madagascar from CTA on Vimeo.

Monday, March 02, 2015

La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première

Situé à 35 km de la capitale Antananarivo, le bassin versant d’Avaratrambola qui inclue trois fokontany (village traditionnel malgache) dont Avaratrambolo, Ampahitrizina et Ambohitrakely, appartient à la commune rurale d’Ambohitrolomahitsy. Elle couvre une superficie de plus de 13 km². Les caractéristiques agro-climatiques et socio-économiques du bassin versant sont typiques de la région centrale du Madagascar, qui est formé par des hauts-plateaux. Dans le cadre du développement rural, un projet appelé Ndao Hivoatra qui signifie « Allons vers une évolution » a été appliqué aux trois fokontany cités précédemment. L’implémentation du projet financé par la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique.

Pour stimuler la participation de la communauté, l’équipe de gestion du projet a opté pour une nouvelle approche, plus participative et ayant déjà fait ses preuves dans divers pays : la modélisation participative en trois dimensions ou MP3D, une première à Madagascar. Cet exercice de cartographie participative a eu lieu du 3 au 13 Février 2015 avec la participation active des habitants des trois fokontany, des techniciens affectés au projet, des co-facilitateurs locaux, des représentants de diverses Organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que de deux facilitateurs expérimentés venus de la République démocratique du Congo (RDC). La présence de ces derniers était soutenue par le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). L’exercice s’est effectué en trois grandes étapes biens distinctes : la construction de la maquette, l’élaboration de la légende de la maquette et la mise en place de la maquette sur la base des données générées à partir des souvenirs des résidents. La maquette, élaborée à l’échelle 1 : 3000 (1 cm sur la maquette correspond à 30 m sur le terrain), couvre une surface totale de 2,304 ha et mesure exactement 1,6 m de chaque côté.

La première étape exigea un travail de précision. Chaque action devait être entreprise avec un maximum de méticulosité. On laissa ce travail de bricolage aux petits soins d’une vingtaine d’élèves bénévoles, issus de l’école primaire publique d’Avaratrambolo et du collège d’enseignement général d’Ampahitrizina avec l’encadrement des facilitateurs congolais, des co-facilitateurs locaux, des techniciens affectés au projet et des représentants des ONG. Cette étape se déroula en deux jours avec l’enthousiasme des élèves et le dynamisme des facilitateurs.

Dans la deuxième étape, il fallait élaborer la légende de la carte et définir la façon de la visualiser sur la maquette. Complétée en un jour, cette phase témoigna l’étroite collaboration entre les représentants des trois fokontany et les intervenants externes. Pour finir, l’étape du remplissage de la maquette se présenta. Ce travail exigeait une parfaite connaissance du milieu agro-écologique local. Cette étape vit une participation active et disparate de la population locale : hommes, femmes, jeunes, personnes âgées et dirigeants s’impliquèrent dans la tâche. En d’autres termes, elle démontra l’efficacité de l’approche participative, car presque la totalité de la communauté locale était réunie autour de la carte pour essayer d’identifier ses terres et ses caractéristiques suivant la légende définie préalablement ; tout cela sans l’intervention des experts ni des facilitateurs.

Durant le processus, la communauté se posait à voix basse la question « à quoi servira cette carte pour nous? ». Dès que la carte fut achevée, le premier constat de la population locale fut que leur rizière ne couvrait qu’une petite partie de la maquette, d’où la conclusion que l’exploitation d’une plus grande surface est envisageable. Le second constat souleva des problèmes liés au régime foncier, une préoccupation prioritaire dans l’approche nationale du développement. Certains participants furent de l’avis que, grâce à cet outil, ces problèmes pouvaient être résolus à l’aide d’une discussion autour de la maquette avec les responsables du foncier. La troisième observation était en rapport avec le réseau hydrique ; les techniciens affectés au projet remarquèrent que le milieu est riche en eau, donc la gestion efficace de cette dernière doit être primordiale ; ceci est d’ailleurs un des objectifs du projet. Une fois achevée, la maquette fut alors dévoilée au grand public : des enfants aux adultes, et même à ceux qui étaient étrangers au milieu.

Pour conclure, ce premier exercice de MP3D fut un franc succès dans la mesure ou, dès sa présentation, les exécutants du projet ont reçu plusieurs demandes de répétition. L’exercice démontra l’essence même de l’approche participative car, durant toutes les étapes, l’on a pu observer la participation active de différents groupes représentatifs de la communauté du bassin versant, et cela sans aucune préoccupation de la situation, du niveau de vie, du genre. En somme, la barrière de la discrimination a été supprimée. Ainsi, on peut affirmer que l’exercice ne s’arrêtera pas sur ce lieu. Ce n’est que le début d’une succession d’interventions comme celle-ci, puisque cet outil a démontré sa puissance et sa richesse à tous les niveaux du milieu rural.

Ecrit par Christian Andrianarison Sitraka et Sarobidy Hasimbola Razanajatovo Tsilavo

Regardez l'entretien vidéo avec l'un des experts, M. Serge Rakotoson, lors de l'implémentation du projet.

Est qu'on arrivera à faire pareil? Serge Rakotoson réfléchit sur les défis et les résultats surprenants d'un exercice MP3D from CTA on Vimeo.

Tuesday, May 22, 2012

Retour sur l'expérience en P3DM à Boeboe, îles Salomon, à travers les yeux d’une femme

HONIARA, le 25 mai 2012  - Nous avons demandé à Winifred Pitamama, laquelle a pris part à un exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé en février 2011 dans le village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon, de nous faire part de son expérience et des leçons apprises. Ci-dessous figure son récit.

« Je m'appelle Winifred Pitamama du village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon. Je suis enseignante. Au nom des habitants de Boeboe, et notamment des femmes et des enfants, j'ai le très grand honneur et le privilège de me tenir devant vous, partenaires très ingénieux ayant participé à cet atelier, pour partager notre expérience concernant l'exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé dans mon village en février 2011. Je vais vous parler de la participation des femmes et des enfants au démarrage du projet, de leur réaction une fois le modèle achevé, des leçons qu'ils ont tirées du modèle, de leur expérience du modèle P3D s’agissant de l'environnement et de l'exploitation minière, de mon point de vue en tant qu'enseignante et des mesures que nous devrions prendre concernant les changements climatiques.

Lorsque ce modèle P3D a été réalisé, les femmes et les enfants étaient très excités et ont consacré beaucoup de temps à sa confection. Ils ne voulaient pas rentrer chez eux, ni s'arrêter pour déjeuner. Certains continuaient même de travailler jusqu'à 3 heures du matin ! Ce faisant, nous avons réussi à achever le modèle P3D de notre village, sans savoir l'importance qu'il allait revêtir pour nous.

Mais une fois le modèle terminé, nous avions sous les yeux le tableau exact de notre terre natale. Nous étions vraiment heureux, parce que tout le monde ne savait pas lire une carte ni même ce qu'étaient des lignes de contour. Et c'est ainsi que nous avons beaucoup appris, rien qu'en construisant et en regardant la carte en 3D. Elle nous donne de nouvelles informations sur le paysage, les ruisseaux, les rivières, les mangroves marécageuses, les sites culturels, les zones de conservation et bien plus encore. Même les zones de prospection minière ! Elle donne de la valeur à notre lieu de vie.


Modelling the Future in Boe Boe Community, Solomon Islands from CTA on Vimeo.

Toutefois, nous avons aussi remarqué les effets des changements climatiques sur l'environnement. Comme nous dépendons beaucoup des ressources marines, nous avons réalisé que la plupart des endroits où se trouvent des coquillages comestibles sont maintenant recouverts d'eau de mer et que le niveau ne cesse d'augmenter. On peut également voir que certaines régions qui jusque-là restaient au sec sont effleurées par la hausse du niveau de la mer. Désormais, les femmes et les enfants comprennent que les changements climatiques suivent leur cours. Cela est dû aux activités humaines.

Par conséquent, nous avons besoin de considérer l'exploitation minière avec soin, et notamment ses effets à long terme. Nous pouvons prédire que, si l'extraction a lieu, nos ressources, notamment en termes d'alimentation, seront menacées. Et pas seulement cela. Nos forêts et nos sites culturels devraient aussi être respectés. Autrement, nous perdrons tout !

De ce fait, nos enfants d'âge scolaire ont besoin d'être informés du modèle P3D. En effet, en tant que professeur de sciences sociales, je dois reconnaître que ce modèle m'a été très utile dans mes leçons sur les lignes de contour et les paysages et même les changements climatiques. J'ai aidé mes étudiants à prendre cette information au sérieux, car nous avons besoin du développement, afin que tout le monde ait la possibilité d'augmenter son niveau de vie. Ainsi, les gens de mon village commencent à s'éloigner des zones côtières pour gagner des terres plus élevées mais cela prend du temps et il faut de l'argent pour une telle réinstallation.

Toutefois, lorsqu'on veut, on peut.

Sur ces quelques remarques,

Merci à tous ! »