Longtemps soumises, passives mais aussi amorphes, les paysannes d'Ampefy et d'Analavory veulent prendre en main leur propre développement. Mais leur volonté de s'émanciper est souvent confrontée à des obstacles. Aujourd'hui, elles sont incontournables dans le développement de la Région. La modélisation participative en trois dimensions (MP3D) y a apporté sa pierre à l'édifice : les autorités administratives et traditionnelles, les partenaires de développement, la communauté... Tous reconnaissent leurs services.
Une chose a attiré l'attention d'une équipe d'agents de développement rural descendue sur terrain pour constater de visu le dégât engendré par l'ensablement des rizières dans le Fokontany (quartier) d'Atalata Vaovao de la Commune d'Ampefy de la Région d'Itasy au Moyen-Ouest de Madagascar. Une dame enceinte, trainant un sac plein de marchandises, a fait plus de 8 km de marche à pied pour rejoindre ce rendez-vous, si important pour elle. L'exploration va durer quelques heures sous le soleil de plomb d'Ampefy. Elle ne s'en plaint pas. « Pourquoi s'en tenir à être là ? Qu'est ce qui l'a poussée à faire ce marathon ?» D'un air déterminé, elle pointe du doigt un mont partiellement dévasté juste en face des visiteurs : « Regardez, ce dégât vient de là ! Cette montagne a ensablé toutes nos rizières » martèle-t-elle, avant de lancer : « Je ne me tais pas tant qu'on ne s'occupe pas de ce monstre !» Elle, c'est Jeannette Raharimalala, membre fondateur du groupement (KF) Tolotra ou Comité local de développement Tolotra, une association d'environ une dizaine de membres créée pour sensibiliser la communauté pour le développement social et économique du quartier. Bien que le Comité local Tolotra soit ouvert aux hommes, deux-tiers des membres sont de sexe féminin. Ces femmes sont si exceptionnelles que le Directeur régional de la FAFAFI, une ONG d'appui au développement des comités de développement n'a pas caché sa stupéfaction, observant leur dynamisme : « Elles sont décomplexées et deviennent de plus en plus courageuses et entreprenantes !», se réjouit-elle. Le Directeur apporte elle-même les premières explications : « leur épanouissement s'est manifesté depuis quelques années mais a fait un grand bond en avant depuis 2015, année de leur intégration dans le processus de MP3D », soutient-elle.
A Madagascar, les femmes représentent 50,6% de l'ensemble de la population. Elles sont une véritable force de travail, leurs insertions sur le marché de travail est de 62% contre 68% pour les hommes, notamment dans les activités informelles. En zone rurale, elles sont en activité permanente entre les travaux domestiques, telles que l'entretien du ménage, la préparation des repas, le décorticage du riz, la collecte de l'eau et du bois, les soins de santé des enfants et les activités agricoles. Elles sont à 78 % actives dans le secteur agricole où elle produit plus de la moitié des cultures vivrières. Soit : 16 et 18 heures de travail par jour.
Malgré leurs importantes contributions, elles sont peu estimées, moins valorisées. A la maison, l'homme occupe une position dominante par rapport à celle de la femme. Le DG du ministère de la population déplore : « si les deux époux rentrent à la maison chacun après un dur labeur, la femme n'a pas droit au repos et s'occupe de tout, alors que le mari peut se permettre de lire le journal.» Par ailleurs, elles ne sont pas héritières et n'ont pas accès à la terre. L'exploitation des terres incombe inévitablement à l'homme. L'adage le confirme «que vous soyez intelligente ou ignorante, vous restez une épouse.» Si un divorce arrive, elle risque de partir les mains vides. En plus, elles n'ont pas accès au crédit, car ne disposent d'aucuns biens (terres ou maisons...) pour garantir un éventuel prêt bancaire. Et pourtant la loi en vigueur stipule l'égalité de droit pour tous les individus (homme et femme). Droit de propriété, droit d'hériter, droit d'exploiter, droit de jouir de parts égales (moitié-moitié) au régime matrimonial. A Madagascar, les obstacles à l'égalité effective entre hommes et femmes se situent au niveau de l'application des lois, de fait de la prédominance des coutumes et tabous sociaux sur l'effectivité des droits des femmes mais aussi de l'absence de textes d'application.
Une chose a attiré l'attention d'une équipe d'agents de développement rural descendue sur terrain pour constater de visu le dégât engendré par l'ensablement des rizières dans le Fokontany (quartier) d'Atalata Vaovao de la Commune d'Ampefy de la Région d'Itasy au Moyen-Ouest de Madagascar. Une dame enceinte, trainant un sac plein de marchandises, a fait plus de 8 km de marche à pied pour rejoindre ce rendez-vous, si important pour elle. L'exploration va durer quelques heures sous le soleil de plomb d'Ampefy. Elle ne s'en plaint pas. « Pourquoi s'en tenir à être là ? Qu'est ce qui l'a poussée à faire ce marathon ?» D'un air déterminé, elle pointe du doigt un mont partiellement dévasté juste en face des visiteurs : « Regardez, ce dégât vient de là ! Cette montagne a ensablé toutes nos rizières » martèle-t-elle, avant de lancer : « Je ne me tais pas tant qu'on ne s'occupe pas de ce monstre !» Elle, c'est Jeannette Raharimalala, membre fondateur du groupement (KF) Tolotra ou Comité local de développement Tolotra, une association d'environ une dizaine de membres créée pour sensibiliser la communauté pour le développement social et économique du quartier. Bien que le Comité local Tolotra soit ouvert aux hommes, deux-tiers des membres sont de sexe féminin. Ces femmes sont si exceptionnelles que le Directeur régional de la FAFAFI, une ONG d'appui au développement des comités de développement n'a pas caché sa stupéfaction, observant leur dynamisme : « Elles sont décomplexées et deviennent de plus en plus courageuses et entreprenantes !», se réjouit-elle. Le Directeur apporte elle-même les premières explications : « leur épanouissement s'est manifesté depuis quelques années mais a fait un grand bond en avant depuis 2015, année de leur intégration dans le processus de MP3D », soutient-elle.
Des paysannes sous l'ombre des hommes
A Atalata Vaovao, comme dans d'autres régions de Madagascar, les paysannes sont placées au second plan sous l'ombre de leurs maris ou de leurs frères. En effet, les hommes travaillent, fréquentent les bureaux, participent aux réunions tandis que les femmes se contentent de s'occuper des enfants au foyer, de servir les hommes, de préparer le repas avant de s'enfermer dans la cuisine. Peu de femmes sont membres de bureau ou leaders d'une organisation. La société rurale malgache regarde d'un mauvais œil une paysanne qui prend parole devant le public. En outre, deux grands soucis pèsent sur leur communauté : le manque de terre conjugué avec le problème foncier, laissé par les colons français dans cette zone volcanique très productive et le problème crucial d'ensablement des rizières. Si depuis peu, ces rizières ensablées devenaient de parcelles pour contenir provisoirement des cultures de légumes de contre saison, aujourd'hui, il n'y reste plus que de fragments de cailloux et de mauvaises herbes. Le président du quartier d'Atalata, Félecitin Rakotoarimalala marque ses inquiétudes : «si rien ne se fait, dans moins de dix ans, 30 ha de rizières disparaitront rien que dans ma circonscription », lâche-t-il. Le malheur ne vient jamais seul. Pire, le Grand lac d'Itasy en aval, principale source de revenus des habitants est en même temps envahi par les alluvions : « il faut aller de plus en plus loin pour pécher des poissons dont la taille devient de moins en moins grande », renchérit le président. Ce contexte conflictuel de la Région d'Itasy a amené les responsables du BIMTT (Bureau de liaison des Institutions de Formation en milieu Rural) à lancer la cartographie 3D dans cette localité. Malgré leurs contraintes, les femmes d'Atalata Vaovao n'ont pas baissé leurs bras. Elles sont les premières venues à répondre à l'appel. Sous la conduite de techniciens du BIMTT, soutenues par le CTA, elles ont participé activement au processus, avec quelques représentants du village, de la mairie d' Ampefy et des organismes de développement. Le processus a stimulé ces dames, déjà avides de développement.Du développement personnel...
Pendant la fabrication de la maquette, les femmes ont joué un rôle principal. Celui de mobiliser la communauté entière, notamment les jeunes, les enfants et les adultes. « Elles travaillent dans le couloir mais disposent d'une force tranquille, très directive », reconnait Rajorosoana Razafimahatratra technicien du BIMTT. Elles jouent un rôle d'animateur et de rassembleur : « venez ! Mais où est-il passé ? Appelle-les ? Ne vous en rappelez-vous pas ? Vous êtes le seul à en savoir ! etc. », un véritable catalyseur ! Le processus de fabrication de la maquette au niveau des quartiers est comme un travail au foyer : la cuisson, la lessive, le nettoyage des vaisselles, les préparatifs des enfants pour l'école. Et souvent, c'est la mère qui y prend la commande. Dans l'exercice de 3D, les femmes sont beaucoup plus entreprenantes, habiles et pragmatiques dans le soin, l'ordre, la forme, l'esthétique, la mise à jour, l'entretien, les détails de la localisation (sentiers, sources, ruisseau...). La fabrication de la maquette d'Atalata Vaovao a été sous le contrôle du sexe féminin bien que les hommes s'affichent au premier plan. Il n'est pas étonnant qu'elles soient les premiers primées ! « Cela a relevé leur estime de soi, et renforcer leur confiance mutuelle » confirme le technicien du BIMTT. Le fait d'être invitée au processus est d'abord un signe de reconnaissance à leur existence. « Nous sommes invitées, donc nous pouvons en effet faire quelque chose !» s'affirme Aline Andriamampandry, secrétaire du groupement Mahiatrondro. Et de participer au processus de la fabrication de la maquette, c'est également pour elle un signe de reconnaissance à leurs œuvres. Non seulement elles se réjouissent de pouvoir s'exprimer, de donner leurs avis mais surtout d'être écoutées. Lors de la présentation de la maquette auprès des autorités ou des vazaha (hôtes étrangères), elles se défendent bec et ongles comme un étudiant soutenant une mémoire de fin d'Etudes. « Je ne m'imagine pas pouvoir faire tout ça ! » avoue Josephine Rasoanarilalaina Présidente du groupement Miavotra. Dans la culture malgache, le genre d'activité de construction est surtout consacré aux frères d'Adam. Mais aujourd'hui, tout cela est révolu pour ces paysannes, elles sont affranchies et déterminées au point de faire pression, de revendiquer leur droit. Elles sont pour l'heure à l'origine de revendication de plusieurs litiges fonciers à Ampefy. Pour mieux faire passer leurs idées de développement, certaines d'entre elles n'hésitent pas à participer aux différentes élections régionales....Au développement social
Le développement personnel des femmes se traduit en développement social et économique de la communauté autour d'elles. Elles et leurs Groupements sont reconnus aussi bien au sein de leur propre communauté qu'auprès de l'extérieur. La communauté les consulte. Les autorités communales s'adressent à eux pour des questions liées au développement local. Elles jouent le rôle d'interface entre le projet de développement et les bénéficiaires. « Nous avons recours à leurs groupements à chaque besoin de sensibilisation locale » confie un responsable de projet en eau potable. Dans la circonscription où les groupements (KF) sont implantés, le développement de la communauté est palpable. Rien que dans le village de Mahiatrondro de la Commune d'Analavory, la discussion enclenchée par la maquette a mis en garde les acteurs du danger engendré par de la dégradation de l'environnement. Les premiers impacts se sont répercutés au niveau de la mentalité des gens. Depuis deux ans, selon le président du quartier Justin Razafindrakoto, le feu de brousse a chuté de moitié, la défécation à l'air libre est éradiquée. La maquette a facilité l'identification des zones à reboiser, une collaboration avec le projet AgriSud fournisseurs de jeunes plants est en cours. 1.000 plants ont été mis sur terre. Le processus MP3D a fait comprendre aux acteurs que les terres disponibles sont de plus en plus rares, les femmes en sont les plus averties et passent à l'action. Du coup, elles ont diversifié leurs activités. Si les unes ont opté pour l'élevage et le gavage de Canard, les autres ont développé les greniers villageois, le guide touristique ou l'artisanat. Au point de vue sécurité, l'auto-défense populaire est mise en place et reconnue par le tribunal régional.Des expériences qui font tâche d'huile
L'engagement des Comités pour le Développement d'Ampefy et d'Analavory ne s'arrête pas là ! D'une part, leur initiative fait tâche d'huile dans leur propre quartier pour enfanter plusieurs sous comités renforçant davantage le développement de la communauté locale. Neuf groupements (KF) ont vu le jour dans ces localités en moins de deux années. Convaincu de l'efficience de ces groupements, le chef de quartier a décidé de les intégrer dans la structure formelle de sa circonscription. Du fait de leur dynamisme, la mairie entend promulguer un arrêté communal nommant les paysans et paysannes membres des KF : Agents de Développement Villageois (ADV). D'autre part, leurs expériences ont franchi la frontière de la Commune et s'étendent dans les Communes voisines du District d'Analavory. Cela a été enclenché après la présentation de la maquette durant la foire régionale du district d'Analavory. Plusieurs autres Villages et Communes du District se proposent actuellement de créer leur propre comité de développement. Pour le Directeur régional de la FAFAFI, le résultat est évident : « le développement personnel des gens une fois acquis demeure à jamais et favorise un développement communautaire durable.» Les Comités pour le Développement sont le foyer de développement local dans toute la Région d'Itasy. « Quand les femmes sont accompagnées, moralement et techniquement, elles sont capables de faire des choses inimaginables » affirme le directeur. Dans le cas de MP3D, au moins un technicien est mis leur disposition tout au long du processus. Kidja Marie Francine, Directeur Général du Ministère de la Population et de la Promotion des Femmes, voit les initiatives très engageantes : « Nous soutenons les actions favorisant l'autonomisation des femmes » promet-elle.
Article écrit par Interview de Mamy Andriatiana pour le CTA
Inégalité de sexe à Madagascar : Les femmes rurales victimes de non droit
A Madagascar, les femmes représentent 50,6% de l'ensemble de la population. Elles sont une véritable force de travail, leurs insertions sur le marché de travail est de 62% contre 68% pour les hommes, notamment dans les activités informelles. En zone rurale, elles sont en activité permanente entre les travaux domestiques, telles que l'entretien du ménage, la préparation des repas, le décorticage du riz, la collecte de l'eau et du bois, les soins de santé des enfants et les activités agricoles. Elles sont à 78 % actives dans le secteur agricole où elle produit plus de la moitié des cultures vivrières. Soit : 16 et 18 heures de travail par jour.
Malgré leurs importantes contributions, elles sont peu estimées, moins valorisées. A la maison, l'homme occupe une position dominante par rapport à celle de la femme. Le DG du ministère de la population déplore : « si les deux époux rentrent à la maison chacun après un dur labeur, la femme n'a pas droit au repos et s'occupe de tout, alors que le mari peut se permettre de lire le journal.» Par ailleurs, elles ne sont pas héritières et n'ont pas accès à la terre. L'exploitation des terres incombe inévitablement à l'homme. L'adage le confirme «que vous soyez intelligente ou ignorante, vous restez une épouse.» Si un divorce arrive, elle risque de partir les mains vides. En plus, elles n'ont pas accès au crédit, car ne disposent d'aucuns biens (terres ou maisons...) pour garantir un éventuel prêt bancaire. Et pourtant la loi en vigueur stipule l'égalité de droit pour tous les individus (homme et femme). Droit de propriété, droit d'hériter, droit d'exploiter, droit de jouir de parts égales (moitié-moitié) au régime matrimonial. A Madagascar, les obstacles à l'égalité effective entre hommes et femmes se situent au niveau de l'application des lois, de fait de la prédominance des coutumes et tabous sociaux sur l'effectivité des droits des femmes mais aussi de l'absence de textes d'application.