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Sunday, September 21, 2014

Les forêts des Saramaca : les cours d'eau au coeur d'un exercice de modélisation participative en trois dimensions le long du Haut Suriname

JAW JAW, SURINAME, le 6 septembre 2014. Depuis Atjoni (Suriname), il faut 40 minutes en pirogue à moteur pour atteindre Jaw Jaw, village parsemé sur les rives du puissant fleuve Suriname. Environ 17 000 Afro-Surinamais, membres de la tribu des Saramaca, vivent dans cette région. Leurs moyens de subsistance sont la culture itinérante, la pêche, la chasse, la récolte de produits sylvicoles, les services de transport fluvial, les programmes d'emploi du secteur public et les aides envoyées par des proches.

Pendant 10 jours, une centaine de représentants de 14 villages (totalisant environ 5 000 habitants) situés le long du fleuve Suriname, en aval du village de Lespansi, ont participé à l'assemblage d'une impressionnante maquette, à l'échelle 1:15 000, d'une zone couvrant environ 2 160 km2. Des jeunes (principalement des filles) du village de Jaw Jaw ont assemblé la maquette vierge d'après les conseils de représentants de Tropenbos International Suriname et du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). Des hommes et des femmes saramaca de tous les âges ont complété cette maquette avec 38 types de repères qu'ils estiment utiles à leur orientation, leur subsistance et leur culture.

Avec l'autorisation libre, préalable et éclairée des représentants des villages, les ensembles de données ont été archivés sous forme de photographies numériques haute résolution, qui seront importées dans un environnement SIG de confiance par Tropenbos.

Lors de l'ajout des repères à la maquette, il est apparu qu'en l'absence de caractéristiques géographiques visibles comme des collines ou des montagnes (la zone est relativement plate), les Saramaca utilisent les cours d'eaux pour s'orienter sur la carte. C'est pourquoi ils ont commencé par obtenir un consensus sur l'emplacement et le nom de tous les cours d'eaux des zones concernées. Ils ont ainsi identifié cinq types de cours d'eau, qu'ils distinguent selon leur largeur, leur caractère navigable et leur accessibilité saisonnière par bateau.

Le samedi 6 septembre 2014, des représentants des villages ont présenté leur travail à des représentants d'agences gouvernementales (le Ministère du développement régional, le Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la chasse, la Commission sur l'exploitation aurifère au Suriname [OGS] et la Fondation pour la gestion et le contrôle de la production des forêts [SBB]), du CTA, de la Fondation pour le développement de l'arrière-pays (FOB), d'organisations non gouvernementales (WWF-Guianas, Tropenbos International Suriname, Amazon Conservation Team [ACT], l'Association des chefs de villages indigènes du Suriname [VIDS]), d'organisations locales (Wan Mama Pikin et l'Association des autorités saramaca [VSG]), du secteur privé (les propriétaires de gîtes du Haut Suriname [LBS]) ainsi que des médias nationaux (DWT et Surinaamse Televisie Stichting [STVS]).

Les représentants des villages ont présenté la maquette et expliqué le processus de définition, d'affinement et d'actualisation de sa légende, tout en décrivant les débats animés qui ont conduit à l'installation des repères sur la maquette vierge. Non sans fierté, ils ont indiqué que le modèle sera exposé dans l'un des villages facilement accessible depuis l'extérieur, afin de faciliter les processus de négotiation et de planification. Aux yeux des villageois, la maquette est désormais un outil qui leur permettra de planifier leur propre développement et favorisera les interactions avec les promoteurs, les investisseurs et les décideurs.

M. Erwin Fonkel, chef du village de Jaw Jaw, a rappelé un point essentiel lors de l'entretien qu'il a accordé à STVS TV : « Cet exercice de cartographie me semble essentiel : par le passé, nous nous étions essayés à la cartographie mais en omettant de nombreuses informations. Nous avons élaboré nous-mêmes cette maquette, et avons davantage fait entendre notre voix lors de la définition de son contenu. Auparavant, les cartes omettaient de nombreux lieux primordiaux, des rivières, des lieux où trouver des ressources et générer des revenus. »

Le programme de paysagisme productif de Tropenbos International Suriname et la Stratégie de renforcement des compétences pour la planification de l'aménagement territorial au Suriname de WWF Guianas utilisera la maquette pour impliquer les parties prenantes dans l'élaboration de scénarios d'aménagement territorial et procéder à des évaluations participatives des services écologiques. Comme l'avaient prévu plusieurs chefs locaux, la maquette, désormais confiée au peuple saramaca, sera utilisée pour formuler des propositions d'investissements en matière d'infrastructures locales et de développement durable, par exemple pour des raccordements électriques et du tourisme vert.



Remarque : cette activité s'est déroulée dans le cadre du projet « Modéliser les compromis entre les scénarios d'aménagement territorial et les services écologiques dans la région du Haut Suriname ». La composante participative de la cartographie avait pour vocation d'autonomiser les villages afin de faire entendre leur voix et leur donner un rôle actif, autant dans la gestion de leurs terres et de leurs ressources naturelles que dans les processus de prise de décision dont ils dépendent.

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Saturday, September 06, 2014

Les forêts des Saramaca : les cours d'eau au coeur d'un exercice de modélisation participative en trois dimensions le long du Haut Suriname

JAW JAW, SURINAME, le 6 septembre 2014. Depuis Atjoni (Suriname), il faut 40 minutes en pirogue à moteur pour atteindre Jaw Jaw, village parsemé sur les rives du puissant fleuve Suriname. Environ 17 000 Afro-Surinamais, membres de la tribu des Saramaca, vivent dans cette région. Leurs moyens de subsistance sont la culture itinérante, la pêche, la chasse, la récolte de produits sylvicoles, les services de transport fluvial, les programmes d'emploi du secteur public et les aides envoyées par des proches.

Pendant 10 jours, une centaine de représentants de 14 villages (totalisant environ 5 000 habitants) situés le long du fleuve Suriname, en aval du village de Lespansi, ont participé à l'assemblage d'une impressionnante maquette, à l'échelle 1:15 000, d'une zone couvrant environ 2 160 km2. Des jeunes (principalement des filles) du village de Jaw Jaw ont assemblé la maquette vierge d'après les conseils de représentants de Tropenbos International Suriname et du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). Des hommes et des femmes saramaca de tous les âges ont complété cette maquette avec 38 types de repères qu'ils estiment utiles à leur orientation, leur subsistance et leur culture. 

Avec l'autorisation libre, préalable et éclairée des représentants des villages, les ensembles de données ont été archivés sous forme de photographies numériques haute résolution, qui seront importées dans un environnement SIG de confiance par Tropenbos. 

Lors de l'ajout des repères à la maquette, il est apparu qu'en l'absence de caractéristiques géographiques visibles comme des collines ou des montagnes (la zone est relativement plate), les Saramaca utilisent les cours d'eaux pour s'orienter sur la carte. C'est pourquoi ils ont commencé par obtenir un consensus sur l'emplacement et le nom de tous les cours d'eaux des zones concernées. Ils ont ainsi identifié cinq types de cours d'eau, qu'ils distinguent selon leur largeur, leur caractère navigable et leur accessibilité saisonnière par bateau. 

Le samedi 6 septembre 2014, des représentants des villages ont présenté leur travail à des représentants d'agences gouvernementales (le Ministère du développement régional, le Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la chasse, la Commission sur l'exploitation aurifère au Suriname [OGS] et la Fondation pour la gestion et le contrôle de la production des forêts [SBB]), du CTA, de la Fondation pour le développement de l'arrière-pays (FOB), d'organisations non gouvernementales (WWF-Guianas, Tropenbos International Suriname, Amazon Conservation Team (ACT), l'Association des chefs de villages indigènes du Suriname (VIDS), d'organisations locales (Wan Mama Pikin et l'Association des autorités saramaca (VSG), du secteur privé (les propriétaires de gîtes du Haut Suriname (LBS)) ainsi que des médias nationaux (DWT et Surinaamse Televisie Stichting (STVS)). 

Les représentants des villages ont présenté la maquette et expliqué le processus de définition, d'affinement et d'actualisation de sa légende, tout en décrivant les débats animés qui ont conduit à l'installation des repères sur la maquette vierge. Non sans fierté, ils ont indiqué que le modèle sera exposé dans l'un des villages facilement accessible depuis l'extérieur, afin de faciliter les processus de négotiation et de planification. Aux yeux des villageois, la maquette est désormais un outil qui leur permettra de planifier leur propre développement et favorisera les interactions avec les promoteurs, les investisseurs et les décideurs. 

M. Erwin Fonkel, chef du village de Jaw Jaw, a rappelé un point essentiel lors de l'entretien qu'il a accordé à STVS TV : « Cet exercice de cartographie me semble essentiel : par le passé, nous nous étions essayés à la cartographie mais en omettant de nombreuses informations. Nous avons élaboré nous-mêmes cette maquette, et avons davantage fait entendre notre voix lors de la définition de son contenu. Auparavant, les cartes omettaient de nombreux lieux primordiaux, des rivières, des lieux où trouver des ressources et générer des revenus. » 

Le programme de paysagisme productif de Tropenbos International Suriname et la Stratégie de renforcement des compétences pour la planification de l'aménagement territorial au Suriname de WWF Guianas utilisera la maquette pour impliquer les parties prenantes dans l'élaboration de scénarios d'aménagement territorial et procéder à des évaluations participatives des services écologiques. Comme l'avaient prévu plusieurs chefs locaux, la maquette, désormais confiée au peuple saramaca, sera utilisée pour formuler des propositions d'investissements en matière d'infrastructures locales et de développement durable, par exemple pour des raccordements électriques et du tourisme vert.   

Remarque : cette activité s'est déroulée dans le cadre du projet « Modéliser les compromis entre les scénarios d'aménagement territorial et les services écologiques dans la région du Haut Suriname ». La composante participative de la cartographie avait pour vocation d'autonomiser les villages afin de faire entendre leur voix et leur donner un rôle actif, autant dans la gestion de leurs terres et de leurs ressources naturelles que dans les processus de prise de décision dont ils dépendent. 

Thursday, August 16, 2012

Les éleveurs recherchent l’eau et la paix au Tchad : compte-rendu d’un exercice participatif de cartographie au Sahel

BAÏBOKOUM, TCHAD : Du 31 juillet au 11 août 2012, l’Association des Femmes Peules Autochtones du Tchad (AFPAT), en collaboration avec le Secrétariat du Comité de Coordination des Peuples Autochtones d'Afrique (IPACC, Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee), a dirigé une formation sur la modélisation tridimensionnelle participative dans la région de Baïbokoum, dans le Logone oriental, dans le sud du Tchad.


Dialogue à trois sur le changement climatique from CTA on Vimeo.

Le projet de cartographie tchadien mettait l’accent sur la formation d’éleveurs activistes de différentes parties du Tchad, ainsi que de pays voisins et d’Afrique de l’Est, pour les initier aux bases de la cartographie et leur apprendre comment mener un exercice de cartographie participative en 3D (CP3D) avec des peuples autochtones M’bororo nomades et semi-nomades dans la région de Baïbokoum.

La population rurale de Baïbokoum est confrontée à des défis liés à la concurrence pour les ressources similaires à ceux d’autres parties d’Afrique. Ils comprennent les changements dans l’utilisation de la terre, notamment l’empiètement par des exploitants sédentaires, la perte de la biodiversité résultant de la modification de l’utilisation de la terre, l’impact des industries extractives et les impacts du changement climatique. Tous ces facteurs contribuent à l’accroissement de la vulnérabilité des populations, à la dégradation des sols et de la biodiversité, à l’insécurité alimentaire et à des risques de conflit.

Le projet Baïbokoum s’inscrit dans le prolongement de l’atelier qui s’est déroulé en novembre 2011 à N’Djamena, au Tchad, où des éleveurs de l’AFPAT et du réseau IPACC ont rencontré l’Organisation météorologique mondiale, l’UNESCO, le CTA et les services météorologiques du Tchad, pour débattre de l’adaptation au climat et des risques encourus aujourd’hui par les communautés nomades en Afrique. L’atelier de N’Djamena a mené à la Déclaration de N’Djamena sur le savoir traditionnel et l’adaptation au climat présentée à la 17e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

Les membres de la communauté nomade et semi-nomade des villages du district ont ensuite passé trois jours à coder la carte avec le savoir traditionnel autochtone, montrant l’utilisation des terres, l’itinéraire traditionnel de la migration du bétail, les caractéristiques de l’écosystème et les informations relatives à la biodiversité. Les stagiaires sont venus à Baïbokoum en provenance de cinq régions différentes du Tchad, ainsi que du Niger, du Cameroun, du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Le soutien technique et la formation ont été fournis par M. Barthelemy Boika du Réseau des Ressources Naturelles de la République Démocratique du Congo. Le Secrétariat de l’IPACC (Afrique du Sud) a également contribué à la formation et donné des conseils.


Les stagiaires ont réalisé des travaux pratiques avec des cartes provisoires, une formation aux compétences GPS, le choix d’une légende dans une langue locale (dans ce cas, le fufulde), et se sont initiés aux bases de la cartographie, de la mise à l’échelle et du géoréférencement. Ils ont passé quatre jours à élaborer une maquette 3D géoréférencée à échelle de Baïbokoum et de ses environs (24km x 20 km ; échelle 1:10 000).

La maquette en 3D qui en a résulté possédait quelques caractéristiques notables, dont l’accent mis par les éleveurs sur les différents types d’eau de surface – saisonnière, permanente, marécageuse et vive. Les éleveurs ont également pu identifier six espèces d’arbre protégées par la loi coutumière M’bororo. Ces six espèces d’arbre ont toutes des propriétés médicinales et une utilité dans l’écosystème et ne peuvent donc être ni coupées, ni endommagées. Elles servent également de repères lors des déplacements depuis des générations.

Les éleveurs se souciaient principalement de l’expansion des exploitants sédentaires qui ont bloqué les routes traditionnelles de transhumance le long desquelles le bétail pouvait accéder à l’eau potable. Les éleveurs accusaient les exploitants de brûler leurs champs, nuisant ainsi à la biodiversité, y compris des espèces d’arbres protégées depuis des temps immémoriaux. Les éleveurs ont remarqué que l’on creusait maintenant des puits de pétrole dans le territoire voisin, ainsi qu’un pipeline, mettant la pression sur eux des deux côtés. De brusque changements de temps et de climat, avec à la fois des sécheresses et des inondations, les ont rendus plus vulnérables et a renforcé le risque de conflit armé dans la région.

Plus de soixante membres de la communauté M’bororo ont participé à la cartographie, ainsi que les stagiaires, des villageois et des enfants scolarisés. Les dirigeants de la communauté se sentaient confiants et pensaient que la carte pouvait contribuer à résoudre les conflits naissants dans la communauté. L’événement a été clôturé officiellement le 10 août par Son Excellence le Gouverneur du Logone oriental, le Président de 5% Revenue from Oil Exploration, le Préfet et le Sous-préfet de Baïbokoum et des représentants de la Gendarmerie nationale et des Ministères de l’Élevage et de l’Agriculture et du Département en charge du changement climatique.

Le Gouverneur a immédiatement proposé de jouer le rôle de médiateur dans un processus de négociation entre les communautés sédentaires et nomades pour rouvrir les couloirs de transhumance afin que les éleveurs puissent de nouveau accéder à l’eau. Les participants ont indiqué que ces communautés pouvaient entretenir des relations de symbiose et de soutien. La résolution des conflits et l’adoption d’une approche préventive pour éliminer la concurrence vis-à-vis des ressources constituent un aspect fondamental de l’adaptation au climat et du développement des zones rurales.

La Coordinatrice de l’AFPAT, Hindou Oumarou Ibrahim, a salué le gouvernement et la communauté pour leur volonté d’explorer de nouvelles voies de coopération. Elle a souligné l’importance que les hommes et les femmes M’bororo accorde depuis des siècles à la conservation de la nature et a entamé des discussions avec le Président de 5% oil revenues pour examiner comment les éleveurs M’bororo pourraient être davantage impliqués dans la protection des espaces forestiers menacés dans les montagnes environnant Baïbokoum.

Le processus de cartographie, l’étude des questions conflictuelles et l’établissement de la paix ont été documentés par Jade Productions qui a réalisé un film qui sera diffusé pour la première fois à la 18e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques prévue à Doha, au Qatar. Les médias nationaux ont réalisé des reportages radiodiffusés tout au long de l'atelier puis une émission de télévision, à l'issue de l'événement protocolaire de clôture.

L’atelier a été organisé pendant le mois saint du Ramadan, ce qui a conféré une dimension supplémentaire car les enseignements et les valeurs religieuses peuvent également encourager les personnes à coopérer, même dans des circonstances où elles ne partagent pas la même langue. Pendant les deux semaines qu’a duré l’atelier, les éleveurs autochtones du Kenya, du Cameroun et du Niger se sont joints à leurs homologues tchadiens pour les prières et le jeûne.

L’événement a bénéficié de la générosité du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), avec un appui financier supplémentaire de Bread for the World, Norwegian Church Aid et Misereor. Des documents, photographies et vidéos peuvent être consultés sur www.ipacc.org.za/fr


Crédits pour le texte et les photos : Nigel Crawhall, IPACC

Tuesday, May 22, 2012

Retour sur l'expérience en P3DM à Boeboe, îles Salomon, à travers les yeux d’une femme

HONIARA, le 25 mai 2012  - Nous avons demandé à Winifred Pitamama, laquelle a pris part à un exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé en février 2011 dans le village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon, de nous faire part de son expérience et des leçons apprises. Ci-dessous figure son récit.

« Je m'appelle Winifred Pitamama du village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon. Je suis enseignante. Au nom des habitants de Boeboe, et notamment des femmes et des enfants, j'ai le très grand honneur et le privilège de me tenir devant vous, partenaires très ingénieux ayant participé à cet atelier, pour partager notre expérience concernant l'exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé dans mon village en février 2011. Je vais vous parler de la participation des femmes et des enfants au démarrage du projet, de leur réaction une fois le modèle achevé, des leçons qu'ils ont tirées du modèle, de leur expérience du modèle P3D s’agissant de l'environnement et de l'exploitation minière, de mon point de vue en tant qu'enseignante et des mesures que nous devrions prendre concernant les changements climatiques.

Lorsque ce modèle P3D a été réalisé, les femmes et les enfants étaient très excités et ont consacré beaucoup de temps à sa confection. Ils ne voulaient pas rentrer chez eux, ni s'arrêter pour déjeuner. Certains continuaient même de travailler jusqu'à 3 heures du matin ! Ce faisant, nous avons réussi à achever le modèle P3D de notre village, sans savoir l'importance qu'il allait revêtir pour nous.

Mais une fois le modèle terminé, nous avions sous les yeux le tableau exact de notre terre natale. Nous étions vraiment heureux, parce que tout le monde ne savait pas lire une carte ni même ce qu'étaient des lignes de contour. Et c'est ainsi que nous avons beaucoup appris, rien qu'en construisant et en regardant la carte en 3D. Elle nous donne de nouvelles informations sur le paysage, les ruisseaux, les rivières, les mangroves marécageuses, les sites culturels, les zones de conservation et bien plus encore. Même les zones de prospection minière ! Elle donne de la valeur à notre lieu de vie.


Modelling the Future in Boe Boe Community, Solomon Islands from CTA on Vimeo.

Toutefois, nous avons aussi remarqué les effets des changements climatiques sur l'environnement. Comme nous dépendons beaucoup des ressources marines, nous avons réalisé que la plupart des endroits où se trouvent des coquillages comestibles sont maintenant recouverts d'eau de mer et que le niveau ne cesse d'augmenter. On peut également voir que certaines régions qui jusque-là restaient au sec sont effleurées par la hausse du niveau de la mer. Désormais, les femmes et les enfants comprennent que les changements climatiques suivent leur cours. Cela est dû aux activités humaines.

Par conséquent, nous avons besoin de considérer l'exploitation minière avec soin, et notamment ses effets à long terme. Nous pouvons prédire que, si l'extraction a lieu, nos ressources, notamment en termes d'alimentation, seront menacées. Et pas seulement cela. Nos forêts et nos sites culturels devraient aussi être respectés. Autrement, nous perdrons tout !

De ce fait, nos enfants d'âge scolaire ont besoin d'être informés du modèle P3D. En effet, en tant que professeur de sciences sociales, je dois reconnaître que ce modèle m'a été très utile dans mes leçons sur les lignes de contour et les paysages et même les changements climatiques. J'ai aidé mes étudiants à prendre cette information au sérieux, car nous avons besoin du développement, afin que tout le monde ait la possibilité d'augmenter son niveau de vie. Ainsi, les gens de mon village commencent à s'éloigner des zones côtières pour gagner des terres plus élevées mais cela prend du temps et il faut de l'argent pour une telle réinstallation.

Toutefois, lorsqu'on veut, on peut.

Sur ces quelques remarques,

Merci à tous ! »

Wednesday, April 27, 2011

Prés de nos ancêtres. Cartographie participative au Gabon



En 2002, Son Excellence, El Hadj Omar Bongo Ondimba, président de la République du Gabon, a crée avec un décret treize parcs nationaux. Les parcs ont été conçus pour représenter différents biomes et les enclaves importantes de la biodiversité dans ce pays du Bassin du Congo.

Cette vidéo, réalisée en 2010, raconte l'expérience des villageois Babongo et Mitsogho qui ont construit une maquette en trois dimensions de leur territoire qui comprend le parc national de Waka dans le massif du Chaillu, la Province de Ngounié. Waka est censé avoir la plus forte densité des primats de la Terre entière, dans une foret Équatoriale montagneuse menace par des concessions forestières. Ce territoire, principalement dans la commune d'Ikobey, abrite également la communauté Babongo, un peuple «Pygmées» de chasseurs-cueilleurs autochtones et leurs voisins, les Mitsogho, un peuple chasseurs-agricoles.

La cartographie participative en 3 dimensions donnait une occasion pour les peuples autochtones et locales a s'engager avec le gouvernement au sujet de leurs droits, la bonne gouvernance et la prise de décision par rapport a l'aire protégée, en utilisant leurs propres langues et la connaissance intime du milieu culturel et naturel. Avec l'appui des ONG nationales et internationales et les organisations des peuples autochtones a travers le bassin du Congo, les villageois Babongo et les Mitsogho ont pu utiliser la carte comme une plate-forme pour parler aux autorités locales et provinciales au sujet de leurs préoccupations et de présenter une vision de la participation et la gouvernance démocratique. La vidéo est un témoignage au défi de la conservation de la biodiversité et le maintien de la diversité culturelle locale, protégées gouvernance zones et les moyens de subsistance. Le projet a été soutenu par MINAPYGA, Brainforest Gabon, Rainforest Royaume-Uni, le CTA et IPACC avec la coopération de la Wildlife Conservation Society (Gabon) et l'Agence nationale des Parcs Nationaux de la République du Gabon.

Monday, January 17, 2011

Notre passé et notre présent au travers d'un miroir : récit d'un exercice de CP3D en Éthiopie

La senteur de cuir qui émanait du lieu de la manifestation n'était que la confirmation du fait que nous étions au cœur de l'Éthiopie rurale, dans un village du nom de Telecho, à quelques 30 kilomètres au nord d'Holeta. Nous venions de nous réunir avec 20 délégués en provenance d'Éthiopie, du Kenya, de Tanzanie, d'Afrique du Sud, d'Ouganda, du Cameroun et du Bénin pour co-animer un exercice de cartographie participative mis en œuvre par plus de 130 villageois originaires de 28 kebeles situés autour d'une montagne connue sous le nom de Foata.

L'exercice, organisé par l'ONG nationale MELCA-Ethiopia avec l'appui du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), constituait la réponse à un appel à l'aide de la communauté, qui souhaitait réhabiliter son environnement après plusieurs décennies de déforestation et de dégradation importante des sols. Après plusieurs mois de préparation, l'exercice s'est déroulé du 8 au 18 décembre 2010 dans le village de Telecho, au milieu d'un paysage doré riche en blé, en teff et en seigle mûrs et entrecoupé de bandes foncées de terre labourée et de tissus de sols exposés au soleil.


Cartographie pour le changement. Expérience des agriculteurs dans la zone rurale d’Oromiya, Éthiopie from CTA on Vimeo.

Près de 140 personnes ont travaillé en équipes sur la maquette qui couvre une surface rurale totale de 672 km², à l'échelle 1:10,000, y compris des portions de quatre woredas : Welmera, Ejere, Adea berga et Mulo. Assistés par les formateurs, 14 étudiants, trois enseignants et les délégués étrangers (les stagiaires) ont élaboré la maquette vierge. Environ 110 anciens, représentants de 28 kebeles, ont contribué par groupes à l'élaboration de la légende de la carte et au report de leurs cartes mentales sur la maquette. Un certain nombre de représentants d'entités du gouvernement local ont également participé à l'exercice.

L'assemblage de la maquette vierge avec des plaques de carton de 3 mm d'épaisseur mesurant 2,8 m x 2,4 m a pris trois jours et la description du paysage et la localisation des caractéristiques pertinentes pour la communauté, six jours supplémentaires.

Certains anciens ont présenté le projet de légende au premier groupe de participants qui l'ont vérifiée et enrichie par de nouveaux éléments et leurs descripteurs. Une fois terminé, le modèle comprenait 48 couches d'informations, dont 25 types de point, 5 types de ligne et 18 types de zone. Un calcul du nombre de points de données réalisé au terme de l'exercice a révélé que la zone comptait 38 écoles, 23 postes de santé, 113 arbres sacrés, 8 marchés, 861 villages et bien plus encore.

Pour ce qui est du processus, les villageois du premier groupe ont expliqué la tâche au deuxième groupe et celui-ci a fait de même pour le troisième groupe. Cette méthode a permis le transfert de la maîtrise de l'ensemble du processus des animateurs, qui ont lancé la formation, vers les détenteurs du savoir local, qui ont fièrement présenté leurs résultats à l'ensemble de la communauté et aux représentants gouvernementaux le jour de l'inauguration et de la cérémonie de clôture. Les villageois ont œuvré avec beaucoup d'attention et de passion en décrivant le paysage de leurs woredas. Des discussions, des échanges et des négociations animées ont caractérisé le processus, auquel ont participé des hommes (en majorité) et des femmes. Les activités débutaient par des danses traditionnelles le matin et le travail se poursuivait jusqu'à la nuit tombée, à la lumière d'un générateur.

Un taureau a été abattu en prévision de la cérémonie de clôture qui s'est déroulée le 18 décembre 2010. Cet événement a été l'apothéose d'un processus où des anciens (homme et femmes) ont présenté la légende et les informations contenues dans la maquette 3D et décrit le processus qui a sous-tendu sa production. Le public était composé d'environ 300 villageois originaires de 28 woredas, de représentants du parlement, du gouvernement local, du CTA, de l'ambassade finnoise et de délégués d'ONG et d'universités de 9 pays africains.

Au cours des diverses phases d'élaboration de la maquette, les participants ont pu s'exprimer et écrire leur ressenti sur le processus au travers des « murs de la démocratie ». Les murs de la démocratie sont de grandes feuilles de papier intitulées « J'ai remarqué », « J'ai appris », « J'ai découvert », « J'ai senti », « Je voudrais suggérer », sur lesquelles les participants peuvent coller des feuilles A5 où ils inscrivent un commentaire lié à l'intitulé et concernant le processus. De plus, une équipe média professionnelle a documenté le processus et mené des entretiens, tandis qu'un groupe de jeunes a été formé et a participé à la production d'une vidéo participative (VP).

Les villageois participants ont rapporté que le travail sur la maquette avait réveillé en eux des souvenirs de paysages passés de forêts luxuriantes et de cours d'eau permanents, ce qui leur a permis de réaliser combien la transformation de l'habitat naturel avait eu un impact (négatif) sur leur vie. Les participants ont affirmé que grâce à un processus d'introspection, ils ont compris que leur exploitation non durable des ressources avait entraîné l'appauvrissement des sols et une baisse des rendements agricoles, et que la situation actuelle menaçait leur moyens d'existence et même leur subsistance. Ils ont ajouté que le processus d'élaboration du modèle créait un cadre d'apprentissage et leur donnait le sentiment d'avoir un but. « Le processus CP3D permet à la communauté de se regarder en utilisant le modèle comme miroir », a écrit un villageois sur une carte collée sur les « Murs de la démocratie ».

Voici des exemples de commentaires écrits par les villageois (en amharic) alors qu'ils travaillaient sur la maquette :

« Je sentais que - avec la destruction des ressources naturelles dans notre environnement - nous avons perdu la terre, la forêt, les animaux sauvages et bien plus encore. Cela nous porte préjudice et pose des problèmes aux générations futures. »

« Je sentais que nous pouvions comparer ce que nous avions fait sur la carte avec ce qui existait par le passé [dans la réalité], et cela clarifie ce qu'il faut faire à l'avenir. »

« J'ai remarqué qu'il [le processus] m'aidait à comprendre l'importance de la participation. J'ai également réalisé que la communauté disposait d'un savoir précieux dont nous n'avions pas conscience. »

« J'ai remarqué que le processus CP3D permet à la communauté de se regarder en utilisant le modèle comme miroir. Il renforce les capacités et c'est important pour le développement du pays. » (Source : Murs de la démocratie, Telecho, 17 décembre 2010)

La grande réunion du 18 décembre a renforcé le message car les villageois impliqués dans la cartographie ont partagé leurs réalisations, développé leur conscientisation et exprimé davantage de déclarations d'intention. La présence de représentants du gouvernement, quelque peu abasourdis à la vue du modèle lors de son dévoilement, a été fort appréciée des membres de la communauté et a renforcé leur sentiment d'être considérés et écoutés dans leur engagement de collaboration pour un meilleur avenir. Dans ce contexte, les villageois ont décidé d'organiser une réunion avec un public plus large afin d'examiner un ensemble d'actions qui contribuerait à réhabiliter leurs terres victimes de dégradations.

Quelques jours après la fin de l'exercice, l'ambassade finnoise a octroyé une aide financière supplémentaire à la MELCA en vue de mettre sur pied des activités de suivi portant sur la réhabilitation de l'environnement dans la région concernée par le projet. La maquette 3D jouera un rôle important dans cette partie du processus car il représente le référentiel le plus actualisé et pertinent regroupant des informations sur l'espace local ainsi qu'un outil de planification facile à maîtriser par les villageois, puisqu'il est parfaitement compris et approuvé par la population locale.

Enfin, point très encourageant, les stagiaires nationaux et internationaux ont manifesté leur intention de réitérer le processus dans leur région.

Auteurs : Giacomo Rambaldi / CTA et Million Belay MELCA-Ethiopia

Version anglaise

Sunday, October 04, 2009

Une modélisation participative en 3D du paysage montagneux historique de Wechecha (Éthiopie)

MELCA Mahiber, ONG éthiopienne membre du réseau African Biodiversity Network (ABN), a contribué à la construction d'une carte participative en 3D (CP3D) du paysage montagneux historique de Wechecha, dans la région d'Oromia, à côté des woredas de Walmara et Sebeta Awas, en Éthiopie.

Une fois achevée, la maquette a été inaugurée par un représentant du Président de la République fédérale démocratique d'Éthiopie. Cette cérémonie a réuni plus de 500 personnes, parmi lesquelles des membres du Conseil des représentants des peuples, des membres du gouvernement et des représentants d'organisations internationales, d'organisations de la société civile et de collectivités locales.

Construite à l'échelle 1:10 000, la maquette reproduit une zone de 24 km sur 28 km. Plus de 40 élèves et membres d'associations de jeunes ont participé à la construction de la maquette initiale, que les habitants de la région, notamment les anciens, ont été invités à enrichir de leurs connaissances géographiques. Au cours du processus, des informations sur le massif ont été échangées entre les différentes générations, mais aussi avec les collectivités locales et d'autres parties prenantes, ouvrant la porte à des débats de fond sur la gestion et la protection durables de la culture et de l'environnement à l'échelle locale. Les gouverneurs de la région se sont montrés extrêmement favorables à ce projet, jouant un rôle actif au sein du processus, aux côté des organisateurs.

Ce projet avait pour ambition de collecter des données sur le savoir écologique traditionnel des communautés de la région pour le valoriser. Ainsi, les autorités externes lui accorderont davantage d'importance lors de la gestion collaborative des ressources naturelles. L'objectif secondaire du projet consistait à améliorer la transmission de ce savoir aux nouvelles générations.

Maintenant que la maquette est achevée, elle servira d'environnement de référence où habitants, membres du gouvernement et différentes parties prenantes pourront débattre de programmes de gestion et de réhabilitation.

Kalkidan, 15 ans, est une élève de l'école d'Holeta. Elle est consciente que sa génération a appris énormément des anciens de la région grâce à cette maquette. Elle s'est exprimée ainsi lors de l'inauguration : « Nous, les jeunes, ne pensions pas que les anciens en savaient autant. Mais après avoir participé à la construction de cette maquette participative en 3D, nous sommes désormais convaincus que nos anciens sont une mine d'informations sur l'environnement ». Elle a rappelé qu'au cours de ce projet, ce sont les anciens qui ont tenu le premier rôle.

Lors de la cérémonie, des anciens ont montré l'emplacement de leur village d'origine sur la maquette, avec des anecdotes. Ils n'ont pas pu cacher leur désarroi envers la dégradation de la région, et ont demandé aux organismes concernés de tenter de résoudre ce problème. Les membres du gouvernement ont également approuvé la maquette et rappelé qu'elle ne se résumait pas à un simple objet de décoration.

Le Dr Tewoldebithan G/Egziabher, directeur de l'autorité fédérale de protection de l'environnement et président de l'assemblée générale de MELCA, a remis la maquette à la ville d'Holeta et à l'administration du woreda de Walmara au nom de son association. Il a demandé à l'administration d'utiliser la maquette comme référence topographique.

Million Belay, directeur du MELCA, a annoncé de nouvelles initiatives. Un processus de planification à grande échelle sera lancé pour réhabiliter le paysage montagneux de Wechecha, en s'appuyant principalement sur la maquette. Les écoles situées au pied des montagnes intégreront la maquette à leur programme, à l'instar de la région de Nessuit (Kenya), qui possède une maquette comparable depuis 2006. Les enseignants l'utiliseront pour aider les élèves à connaître leur environnement, la géographie et les paysages culturels. Par ailleurs, Million Belay a annoncé que la maquette en 3D servirait à des fins scientifiques, pour étudier d'une part la relation entre habitants et environnement, et d'autre part les conséquences de la dégradation des terres sur les moyens de subsistance des communautés locales.

Auteur : Giacomo Rambaldi